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A L'index est avant toutes choses une revue dont le premier numéro est paru en 1999. Dans un premier temps, "prolongement papier" des Rencontres du "Livre à Dire (1997/2012), elle poursuit, aujourd'hui encore son chemin, se voulant avant tout un espace d'écrits. Au fil des numéros, elle a vu son format, sa couverture, se modifier. Pour se présenter aujourd'hui et depuis sa 20iéme livraison sous un format plus réduit (A5) et une couverture "fixe" avec comme identité visuelle la vignette créée pour la revue par l'ami Yves Barbier.
Les vingt premiers numéros ont été imprimés par l'Imprimerie Spéciale du Soleil Natal dirigée par le poète-éditeur Michel Héroult. La mort subite et prématurée de ce dernier, en septembre, 2012 a laissé la revue orpheline et désemparée. Le tirage du numéro 20 n'ayant été livré que pour moitié, il était impératif de trouver un nouvel imprimeur. La question se posa néanmoins de la cessation de parution.
Sommaire du n°44
Aghi Shahid Ali - Roxana Artal – Madhosh Balhami - Catherine Baptiste - Aurore Benamou – Jean Bensimon - Philippe Beurel - Christine Busta - Jean-Claude Bourdet - Jean-Jacques Camy - Emma Hourcade – Zeeshan Jaipuri - Thierry Lancien - Michel Lamart - Claire Légat - Gérard Le Gouic - Anaïs Lescot - Omer Massem - Éric Moutier - Martin Payette – Maria Ralaizanaka - Myette Ronday - Richard Roos Weil – Fabien Sanchez - Christophe Ségas - Jean-Claude Tardif – François Teyssandier - Dylan Thomas - Claude Vancour - Zabirah - Sacha Zamka
Un poète est mort ! “La belle affaire” me direz-vous. Un poète est mort et quoi que vous en pensiez, c’est un peu de vous qu’il emporte avec lui. Une part de cette humanité qu’il avait entrepris de magnifier, de rendre plus belle par la force de son seul verbe. Disant le poème, c’est de vous, de nous qu’il parlait. Nous n’y prenions pas garde, perdus que nous étions dans notre quotidien et le verbiage qui lui sert de clôture.
Un poète est mort, sans que nous n’y prêtions trop attention, affolés que nous sommes par le bruit, la rumeur ; l’à-peu-près; désorientés par ce que nous croyons être, nous qui ne sommes qu’un vide parmi d’autres vacances.
Un poète est mort et chacun de nous a expiré avec son dernier mot, celui que peut-être, il n’a fait que murmurer. Celui que sans doute il n’a pas dit, le gardant pour sa soif, le voyage à faire. À moins qu’il ne l’ait offert à la nôtre, dans les plis d’un dernier et magnifique silence, de ceux qui font que les mots conservent et amplifient le souffle, le poème qui le porte.
Un poète est mort et avec lui s’en est allée la plus belle part de nous-même, celle qui s’émerveille et se révolte. celle qui aime et ne sait pas haïr. Un poète a rejoint ses poèmes jusqu’à ne faire qu’un avec eux, n’être plus que son verbe et le grandir encore.
Ce poète disait : “Quand je serai mort, je serai un poème et vous n’en saurez rien...” Nous sommes pourtant quelques-uns à en être persuadés.
ce numéro à mon ami, mon frère,
Werner Lambersy
Je viens de terminer la lecture du n° 44 que vous m'avez si gentiment envoyé. Merci encore d'y avoir publié ces poèmes et ces nouvelles. Les miens- sans idée, pour ma part, d'appropriation de ce qui s'est écrit - mais encore les autres. J'ai beaucoup aimé votre texte Au doigts et à l'œil, texte écrit à propos de votre ami Werner. Que j'ai croisé à plusieurs reprises chez Francis Tessa il y a plusieurs vies. Et texte dans lequel j'ai retrouvé beaucoup de mes sentiments-sensations par rapport à l'écrit qui s'écrit à travers nous.[ ] La mémoire de la terre de Francis Tessandier m'a envoûtée. L'atmosphère dans laquelle baigne ce texte prémonitoire de ce qui va advenir et est déjà advenu, peut-être dans une sorte de répétition à laquelle on se laisse prendre est époustouflant. J'entend encore le galop des centaures. J'ai aussi beaucoup apprécié les textes d'Anaïs Lescot, les Jours tranquilles à Tréboul, Je ne suis par contre par entrée dans le Petit itinéraire Spondien. Je retiens l'avertissement de Gérard Le Gouic que Quand on ferme la porte de son jardin, le diable n'y entre pas....
Et reste troublée par "Celui qui me voulait du mal".... Je ne sais qu'en dire mais la violence du début du texte, ce désamour de soi-même ressenti par l'autre au point qu'il reçoit le message et que ce message le pousse à faire le mal me désarçonne sans que la chute qui d'une certaine manière retourne la situation efface le début ou le rachète. Il pourrait s'agir d'un conte moral...mais...Quant à votre dernier texte, "Une petite ville de bord de mer" il a réveillé un vieux souvenir en moi [ ].
Merci encore pour ce moment de partage dans A L'INDEX.
Myette
Ce numéro est dédié par Jean-Claude Tardif à l’ami Werner Lambersy (1921-2021), décédé en octobre dernier (mais présent dans le numéro 43, cité dans ma note précédente). Il lui consacre d’abord un texte poétique sur la mort et la poésie, mort qui arrête son souffle avec celui qui part, et crée une perte (sue ou pas) pour chacun. Mais, dit-il... « Un poète a rejoint ses poèmes jusqu’à ne faire qu’un avec eux, n’être plus que son verbe et le grandir encore. » Et il cite un fragment du poète, comme un testament murmuré…
« Quand je serai mort, je serai un poème et vous n’en saurez rien. »
Et de nouveau il parle de lui, dans le texte introductif de ce numéro. Une page sur Werner Lambersy poète. Un hommage à l’écrivain, pour son exigence. Et un éclairage qui met l’accent sur l’éthique et le rapport au monde qu’avait celui qui écrivait, comme en rend compte Jean-Claude Tardif : "Résister par les mots, les actes ; faire de l’anarchie une bonté.". Créer des livres qui sont « des actes de résistance où la beauté le dispute au sens et à sa profondeur ». Mais, comme il a noté que les écrits de Werner Lambersy étaient pour lui « des textes d’initiation, de fortification » il aborde ensuite l’écriture telle qu’il la vit, prolongement logique de ce qui est dit de l’amitié vécue avec le poète, un processus de rencontre. « On ne peut pas écrire sans l’autre. » C’est donc un partage qui demande un double mouvement, intérieur et d’ouverture vers autrui.
Je vais suivre l’ordre des pages, cette fois. Je lis des poèmes ou essais, en lecture subjective, gardant mon axe... (toujours peu lectrice de nouvelles…).
Un long poème de Catherine Baptiste, Hamlet ou ne pas être, interroge la poésie (et sans doute la vie) à partir de la question d’Hamlet. « La question du sens ». Et en face l’ombre d’Ophélie. Sans vouloir de réponses et de certitudes….
« et si c’était dans l’entre-deux, dans l’entre-temps
qu’il faisait bon se tenir »
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Sous le titre Légers Ressacs, plusieurs poèmes de Myette Ronday, onze précisément. Fusion entre la matière du monde et la conscience de l’être humain, soi. Monde reflet en cet "étang" que peut être l’esprit « ainsi qu’un miroir ». Fusion, au point de se faire « N’ÊTRE qu’une vague comme les autres / venue s’échouer sur le rivage »
Mais avec un désir, « être réelle ». Force de la présence lumineuse du monde, paysage et éléments. Et aussi intuition d’un pouvoir des mots pour dire « l’inexprimé » de la réalité, « de l’éternellement vivant ». Approche de la part de mystère que la nature révèle à partir du quotidien, et des signes que les objets peuvent transmettre, objets réels ou rêvés peut-être, « perles roses et bleues » et crayon, « un oracle dans la mine du crayon ». Une robe devient l’objet transférentiel d’un dépouillement de mémoire. Et la nage dans la mer, réelle ou pas peu importe, est la plongée, au moins symbolique, dans « son espace intérieur ». Encore cette identification entre le dehors et le dedans. La nature comme deuxième corps et deuxième conscience, proximité presque chamanique. « Seule et pourtant sans solitude », dehors le vent et les arbres, à l’intérieur l’écriture qui invente ses langues. L’aube est un moment de métamorphose, de traversée vers autre chose…
« juste avec l’immuable nécessaire certitude
de ne plus faire partie d’un seul et même monde. »
D’un poème à l’autre il y a comme l’histoire d’un itinéraire d’éveil à une autre réalité, une perception qui révèle, en défaisant l’identité apparente.
« DEVIENT-ON visionnaire ? N’est-ce pas
plutôt que jusque-là on était aveugle ? »
Cet itinéraire c’est l’abandon de l’ego comme seul repère (enfermant) et le chemin vers la force du vide, ou pour le vide. (Peut-être celui que François Cheng expliquerait, ce vide médian dont il nous dit être la clé pour comprendre la philosophie du Yin et du Yang, fausse dualité que le vide tisse en vérité ternaire.) Or c’est cela qu’on peut lire dans un poème. Perception de la peur devant le vide, et transformation…
« Jusqu’à avoir la force délibérée
et l’envergure nécessaire pour que
ce grand vide emplisse notre être entier,
comme la matrice de l’espace où la lumière
se meut éternellement sans jamais s’éteindre. »
Et, en conclusion, dernière page, dernier poème…
« Il est préférable de se conjuguer au présent. »
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Mystérieux texte que celui d’Emma Hourcade, Le premier rêve. Texte en prose donné comme un rêve intiatique, ou cauchemar, regard acide sur les femmes et les hommes, peinture de rapports de pouvoir et de soumission, et la peur qui régit la perversité de liens. On peut lire cela comme un poème.
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De nouveau un long poème, Le chant/champ de la danse, d’Omer Massem. Le Congo vivant et l’histoire des hommes, force et tragédie. Un peuple qui danse.
« Nous sommes une danse. »
Mais la parole est d’abord chant, « le chant de l’homme en marche ».
Et ce que le poète affirme c’est justement la présence absolue du poème, inscrite dans la culture et l’identité, moyen privilégié d’atteindre le sens par le langage.
« Nous sommes cet espace de corps sans paroles
prolongé par la seule parole de poésie. »
La mort, le malheur, la peur, le mal. Et « le cœur des veilleurs » (et des poètes, veilleurs par choix… ?).
Si la mémoire est « entre la pierre et la terre », la poésie combat le silence qui tait.
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Plusieurs poèmes dans l’anthologie du Jeu de paumes. Et de nouveau Claire Légat, quatre textes inédits en quatre pages. Lecture et CITATIONS…
Des touches subtiles, légères, des vers brefs, parfois un seul mot mis ainsi en relief, appuyant le rythme, la syntaxe. Murmure qui frôle les abords du silence pour entrer intimement dans une recherche de vérité intérieure, comme s’il fallait aborder le centre silencieux de l’être, des mémoires archaïques revenant de loin, en soi.
« j’ai charge
de
commencements »
(….)
« dans la filiation
des
silences «
Qui est la part de soi qui choisit ce qui doit être fait et inscrit ? Se transforme-t-elle en visage inconnaissable ? Ou transforme-t-elle le réel au point de devenir difficile à saisir en identité connue ?
« me reconnaîtrez-vous
quand j’orchestrerai la poussière
et
les
transes
jusqu’à la tendresse
infinitésimale »
C’est une part présente assez pour pouvoir trouver son centre dans le temps présent…
« rien
qui ne soit l’éloge de l’instant »
(…)
« nous étançonnons
les
falaises
de
l’éphémère »
Et même s’il y a « piège » ou « cri » il y a le mot « réconciliations ».
Réconcilier les forces apparemment contraires, intérieures et relationnelles, ou terriennes (« l’arbre / le rocher »)…
« comme pour ceindre malgré elles
les constellations
rebelles »
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Plusieurs poèmes de Christine Busta (Vienne, 1915-1987)
Bilingues allemand-français.
Extraits d’un recueil, Der Regenbaum / L’arbre à pluie
CITATIONS….
Der Wanderer / L’Errance d’un homme
« und alle Dinge sind
so heilig und uralt. »
« et toutes chose me sont
tout aussi sacrées et hors d’âge. »
April / Avril
« Von Regen rauscht und rinnt die Nacht »
« Bruissante de pluie coule la nuit »
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Suit un texte très érudit de Michel Lamart, sur Jean de Sponde.
Petit itinéraire spondien / en forme d’hommage baroque Synthèse de l’étude…
Généalogie pour tracer le chemin linguistique. Le français n’est pas la langue maternelle, apprise ensuite. Religion, marques des tensions du siècle (XVIème) entre catholicisme et calvinisme. Formation universitaire poussée, culture et hellénisme.
Grande précocité, qui fait de Jean de Sponde, très jeune (il a une vingtaine d’années) le maître d’œuvre de l’édition d’Homère, L’Iliade et L’Odyssée. Texte grec (d’Henri Estienne) et traduction latine (d’Andreas Divus). Mais surtout il commente, en privilégiant les interprétations théologiques. Lisant Homère il relie poésie et célébration de la divinité. Il écrit cependant des poèmes, Amours, qui mêlent flamme amoureuse (« désincarnée ») et élan spirituel. Plus graves textes, Stances de la Mort, avec une sagesse qui peut emprunter à celle de Montaigne.
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Deux poèmes bilingues de Dylan Thomas (1914-1953) sont traduits par Philippe Pasquet Radenez, qui ajoute un précieux commentaire au sujet du deuxième poème, pour conseiller d’être attentifs à ce qu’il désigne par mots « à double fond ». Un autre sens est derrière le premier, permettant une lecture plus profonde, voyant une richesse symbolique à dévoiler.
CITATIONS…
I dreamed my genesis / Ma genèse, je l’ai rêvée…
« I dreamed my genesis in sweat of sleep, breaking
Through the rotating shell, strong »
« En eaux, en mon sommeil, j’ai rêvé ma genèse, perçant
La vrille démente de l’obus, puissant »
...
The force that through the green fuse drives the flower
La force qui pousse la fleur à travers verte tige
« And I am dumb to tell a weather’s wind
How time has ticked a heaven round the stars. »
« Et je suis une tombe pour dire au vent changeant
Comment, en s’écoulant, le temps a tendu cieux
Tout autour des étoiles. »
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Dans les poèmes de Roxana Artal (traduits de l’espagnol, Argentine, par elle) j’ai aimé trouver une dimension particulère où se mêlent des thématiques sociales, philosophiques et peut-être psychanalytiques (intentionnelles ou pas).
CITATIONS…
En cage
« La mienne est voix sans nom »
(…) « Il n’y a pas de présence sans la voix »
(…) « le silence est brûlure
pure blessure qui ouvre cette bouche
infranchissable »
Place d’ajustement
« chaque œil est complice
de ce qu’il regarde »
Exode
« Toute pierre est fragment
Qui gît silencieux sur la Mère Terre. »
Prière
« toi, langage du pur soufflé,
crée-moi. »
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Vladimir Claude Fisera a traduit des poètes du Cachemire, une Poésie de Résistance. Car la situation est très dure. Oppression de la population musulmane par le pouvoir local indien. Les tensions intercommunautaires en Inde ont atteint un point extrême. La poésie permet de dire…
Poètes et CITATIONS… (Je note les textes en français, traduits de l’anglais, médiation du cachemiri).
« Chaque parole prononcée ici rencontre censure et contrôles
Hier ceux qui réclamaient de la dignité
Voient aujourd’hui d’horribles dagues étreindre leur cou. »
Madhosh Balhami (dont la maison fut brûlée, et beaucoup de ses poèmes…)
« Je vous écris d’un pays éloigné qui est aussi le vôtre.
(…) Chacun porte dans sa poche son adresse
Pour que son corps au moins rentre à la maison. »
Aghi Shahid Ali (mort en 2001 aux États-Unis)
« Le cœur éploré (…)
Trouva tant d’éclats de vie,
tous noyés dans le deuil. »
Zeeshan Jaipuri (26 ans)
« Les chemins menant à mon cœur épuisé
et qui en sourdent
sont scellés avec du fil barbelé. »
Zabirah (elle est connue au Cachemire)
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Suivent les Cinq soties de Claude Vancour. Poèmes brefs où l’oiseau est messager traducteur de ce que signifient des immobilités ou des silences, ou une absence signe de mort. Oiseau de vie secouant la conscience emmurée en elle-même.
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Recension © Marie-Claude San Juan (numéros précédents, tags au nom de la revue, sur Trames nomades)
LIEN. Le livre à dire, À L’Index, Jean-Claude Tardif... http://lelivreadire.blogspot.com