mardi 11 novembre 2014

A L'INDEX n°27

Ce numéro est paru en novembre 2014.
21X15 - 151 pages intérieures -
 (tirage 120 exemplaires)



 Dernier numéro de l'année 2014, il clôt quinze années d'existence de la revue. Même si la fragilité est toujours là, cette aventure est belle et la fidélité de ceux qui la soutienne me fait chaud. Un merci particulier à C. (elle se reconnaîtra) qui, tout au long de ces années, m'a accompagné, aidé et soutenu (quand le moral n'y était pas) tant sur les rencontres du Livre à Dire (1997/2012) que sur la revue (depuis 1999). Merci également à Anne-Marie et Michelle (elles se reconnaîtront aussi)  pour leur soutien attentif et leur amitié.  Un remerciement tout particulier à Robert Dadillon pour sa gentillesse et son professionnalisme qui me permettent aujourd'hui de continuer. Enfin une pensée toute particulière pour l'ami Michel Héroult qui imprima les 20 premiers numéros avant de nous quitter pour l'envers du miroir. Sans oublier, bien sûr,les lecteurs, abonnés fidéles sans qui nous ne pourront continuer coûte que coûte.

TABLE DES MATIÈRES

Au Doigt & à l’œil par Jean-Claude Tardif................................5
Dossier autour d'Yves MARTIN
Le château de Barfly (texte d'Yves Martin)...............................8
Postface en forme de feuilleton
(en sept épisodes & un flash).....................................................18
Portrait d'Yves Martin par Jacques Basse................................26
Yves Martin : Qu’enjeu faisait bouillir… ma « parole »!
par Jean-Marc Couvé................................................................27
La Lettre par André Duprat......................................................31
Pour Yves Martin par Werner Lambersy..................................32
Avec Yves Martin par André Prodhomme................................34
Je multiplie les portes imprévues par Jean-Michel Robert.......38
Autour du Colporteur par Jean-Claude Tardif...........................41
L'école du zinc par François Vignes.........................................46
Parole donnée à : Jacques Nunes-Teodoro..............................52
Le chas de l'aiguille &... de Jean-Jacques Nuel......................66
Jeu de Paumes - Petite anthologie portative............................71
Alhama Garcia Aznar - Philippe Delouche - Emmanuel Golfin -
Florent Jakubowicz - Marie Laugery - Gérard Lemaire - Fabien
Marquet - Christophe Petit - Jeanpyer Poëls - Joseph Pommier
Un morceau d’Espagne suivi de Le bout de la jetée à Zurich
textes de Claire Sicard Dumay..................................................93
Toucher terre (poèmes) de Fabrice Farre................................100
La femme de B. (nouvelle) de Fabrice Marzuolo....................103
Une histoire sainte (poème) de Hervé Delabarre...................109
Voix d'Ailleurs - le poète argentin Luis Benitez...................112
(Traduction de Françoise Laly)
Le Bubon suivi de Le Couple de Florentine Rey...................124
La poésie turque contemporaine... par Claire Lajus............130
Montrés du doigt - notes & critiques -
par Jean Chatard - Michel Cossec - Jean-Marc Couvé............135

* * *



Quelques réactions des participants et de lecteurs


Merci pour votre message. J'ai à présent lu le numéro 27 de la revue. J'ai beaucoup aimé La lettre, d'André Duprat, "Pour Yves Martin" par Werner Lambersy, "Autour du Colporteur", et "L'Ecole du zinc".  Une vraie qualité de présence et d'émotion dans ces témoignages/hommages, une pudeur et une mesure appréciables. La poésie de Nunes-Teodoro m'a touchée, ébranlée ; une écriture physique qui fait son lit dans le corps du lecteur. Enfin, les "Voix d'ailleurs" m'ont happée ; j'ai une mère espagnole, et j'ai pu apprécier les deux voix, dans les deux langues. C'est ce qui émerge pour le moment, mais je reprends souvent ces lectures dans un second temps, bien plus tard !

Merci encore pour la place que vous accordez aux plumes qui s'ébranlent à  peine, ou viennent d'être exhumées. 

Claire Sicard Dumay. 


Votre revue m'est bien parvenu ce jour. Merci. Oui, j'en ferai volontiers un compte-rendu, car elle est d'une grande qualité, une qualité dont j'ai pu me rendre compte à la lecture d'anciens numéros...
A bientôt. Bien à vous. - J. Ibanes

Dans ce dernier A l'€œindex€, je suis plus particulièrement retenu par les poèmes fort bien traduits de Luis Benitez, au point de regretter que vous ne les ayez pas fait précéder d'€™une notice informative sur ce poète. Et le plaisir également de retrouver le fantôme d'€™Yves Martin. Je l'€™ai surement croisé dans une salle de cinéma, il y a une trentaine d'€™années, mais est-ce un faux souvenir ou non ? J'avais à  l'é™poque découvert sa poésie par la revue Foldaan, que faisait alors Jacques Josse, et il me semble que la vôtre, en tout bien, tout honneur, en est proche...
Si vous passez de temps en temps à Paris, faites-moi signe ! - Guy Girard

Merci pour le n° 27 de la revue reçue ce jour.

Quel travail ! A première vue, ce numéro me parait dense et varié. Je vais le découvrir avec beaucoup de plaisir. Comme il en est question dans votre texte d'introduction, je me propose, avec votre accord, d'en parler autour de moi.Je pensais notamment à  2 librairies qui mettent en avant la poésie. La librairie Olympique (mais c'est peut-être déja fait, si vous êtes en relation avec Jean Paul Brussac), et la librairie La Machine à  Lire, à  Bordeaux. M Laugery




 On en parle


À l’index n° 27

publié le 3 février 2015 par Jacmo dans AccueilRevue du mois

 


Pour fêter ses quinze ans, la revue de Jean-Claude Tardif propose d’abord un hommage mérité à Yves Martin, décédé il y a seize ans. Avec deux textes d’Yves Martin, aussitôt caractéristiques de son écriture. Le premier, à propos du film « Barfly » …presque contre l’écran, à quelques mètres de la scène. J’ai toujours l’impression d’être à quai, face à la coque d’un navire… On est de suite embarqué à moitié dans l’histoire du film et à moitié dans l’imaginaire élastique, brinquebalant et merveilleux d’Yves Martin. Avec des images en veux-tu en voilà, et un style à l’emporte-pièce qui fait mouche. …des femmes en gifles et ragots, des poitrines aux veines tellement bleues qu’elles éclairent comme les sagaies de la TV les salons obscurs… Il y a un côté prestidigitateur de la langue chez Yves Martin, tout à fait sidérant. C’est du fil en aiguille, de l’analogie en cascade, et comme le note très justement Jean-Michel Robert dans sa contribution : une faculté d’assigner un rôle, une aventure, une « féerie catastrophique » à ce qui passe généralement pour quantité négligeable, pour léger détail. Second texte d’Yves Martin, justement consacré à l’œuvre alors commençante de Jean-Michel Robert La poésie de Robert est stridente, elle mâche Et quand il émet une restriction, ça vaut compliment :Certes, ça et là, Robert n’évite pas les big band surréalistes, on a déjà humé tels corons, plumé tels canaris. Des images slaloment aussi inévitables que les poursuites de voitures dans un polar… Ça a de la gueule, on prendrait bien des critiques dans la vue de cette hauteur-là tous les jours ! Viennent ensuite les contributeurs au dossier qui évoquent tous avec amitié et admiration le poète. Ils s’accordent sur sa carrure épaisse, laissant couler une petite voix, la déambulation et les bistrots, les prostituées et le cinéma, et la vingtaine de chats appelés par les noms de la bande d’amis et d’écrivains qui marchaient dans Paris avec lui. Jean-Marc Couvé : Yves, quasi vaincu par une saloperie de leucémie, s’appuyant sur moi-béquille : un honneur ! Une lettre d’André Duprat, un texte de Lambersy sur son enterrement, un poème d’André Prodhomme qui évoque la chimie d’un poème d’Yves Martin, Jean-Michel Robert : cette ivresse du quotidien encanaillé d’imaginaire… les souvenirs de Jean-Claude Tardif à propos de la collection Le Colporteur et des éditions La Table rase, enfin François Vignes, l’éditeur justement, et les agapes autour du prix Apollinaire qu’obtint Yves Martin en 1991 (L’école du zinc).
Ensuite découverte de Jacques Nuñes-Teodoro, à la voix chaude et profonde. Début du texte « Saudade » : Né dans l’arrière-cour d’un siècle furieux années sanglantes d’où mille et mille têtes écrasées hurlent encore j’ai la mémoire creusée au vitriol…Avec une poésie visionnaire et forte Mais tous nous allons courbés pour ne pas tomber / Nous n’avons pas l’ambition de nos ombres… Puis Alhama Garcia Aznar :regarder la lune / me tient la tête levée / qui se contenterait / de son reflet dans les flaques / aux ornières du chemin ? Jeanpyer Poëls : Il faut un marcheur terrible / qui exécrait la lune / son fade assoupissement… Fabrice Farre : Le chemin parcouru jusqu’à elle / semble mériter l’arbre sec... Comme il est indiqué en sous-titre -espace d’écrits- la revue À l’index publie de la poésie, mais aussi des textes courts comme ceux de Jean-Jacques Nuel et des nouvelles avec Claire Sicard Dumay et Fabrice Marzuolo. Pour clore les poèmes de Luis Benitez, un aperçu de la poésie turque et les notes critiques, signées Jean Chatard, Jean-Marc Couvé et Michel Cossec.
Un bon gros numéro pour fêter les quinze ans de la revue !*


15 €. 11, rue du Stade – 76133 Epouville.
* Je parle du premier titre de la nouvelle collection bilingue : « Le Tire-langue » dans le prochain n° de la revue Décharge : Le pays défait de mon enfance du poète kosovar de langue albanaise : Ali Prodrijma (traduction d’Alexandre Zotos).



INDEX 27.jpg
« Ce matin j’ai écrit deux poèmes. / Je ne me demande pas pour l’instant quel sens / possède ou non ce travail obscur. / Simplement c’est une autre façon, possible, d’être vivant. » («... No me pregunto ya por el sentido / que tiene o no tiene este oficio oscuro...”) 
Luis Benitez, poète argentin (A L’Index n° 27, traduction de Françoise Laly), pp. 114 à 123.
 Ce choix en exergue : hommage, pour des textes (il y en a plusieurs dans la revue 27) que j’apprécie particulièrement...  
En quatrième de couverture je remarque une définition de la poésie (ou plutôt une conception de la poésie...) qui me convient assez, moi qui ai le goût du monde ouvert, du regard sur les pays proches ou lointains, intérieurs-extérieurs. D’ailleurs ce fragment pourrait sans doute atterrir dans la liste de mes exergues de blog (mon manifeste, ici)... C’est un paragraphe de Jean-Pierre Chérès, dont je relève ce passage: « Etre poète, c’est se donner corps et esprit à la présence du monde, c’est être possédé par le monde, c’est ouvrir en permanence ses antennes sensibles à l’univers... ». Mais si ce texte se trouve en « quatrième », mis ainsi en évidence, c’est bien aussi parce qu’il correspond à l’esprit de la revue, tel que veut l’impulser Jean-Claude Tardif, l’écrivain-éditeur. Les gens qui se retrouvent à publier là des textes (poèmes – vers ou prose – ou récits) semblent avoir en commun un sens d’âme nomade. Certains parce qu’ils ont traversé des frontières, d’autres parce que les frontières traversées sont plutôt des origines et des langues tissées en eux, d’autres encore parce que leur regard est hanté par l’horizon d’un ailleurs réel ou imaginaire.
Et cela s’inscrit dans les mots. Pas seulement pour les « Voix d’ailleurs », comme les pages bilingues de Luis Benitez, poète argentin, ou l’étude de Claire Lajus sur la poésie turque contemporaine (« poésie méconnue », note-t-elle avec raison en sous-titre). Non, pas seulement. Claire Sicard-Dumay, elle, interroge ses voyages intimes, « morceau d’Espagne » ou « bout de la jetée à Zurich ». En écho, malgré la différence de démarche et d’écriture, la « mémoire lavée au vitriol » de Jacques Nunes-Teodoro, dans « Saudade », poème qui interroge un « siècle furieux » et « l’ambition de nos ombres » (ambition perdue ?). Un autre de ses textes rend un hommage croisé à Primo Levi et Giacometti, un autre encore à son père, immigré et ouvrier. Et ses pages vont vers un océan qui n’est pas de rêve mais de réel, dur...  Gérard Lemaire, lui, cherche en creusant le centre d’un or solaire : « or de l’esprit », « lueur », « incendie » éventuel, possible, pas sûr : souffle, en humilité.
Je n’ai pas encore lu le dossier sur l’œuvre d’Yves Martin (à plusieurs mains). Je le ferai plus tard...  D’ailleurs je n’ai pas tout lu. Mais comment est-ce que je lis une telle revue ? Comme je lis toujours n’importe quel regroupement de textes (et même les recueils d’auteurs), exactement comme je commence à lire debout en librairie ou bibliothèque (pour voir si cela vaut le coup soit d’acheter soit d’emprunter). Cela ferait peut-être hurler des puristes (ou des hypocrites qui ne mesurent pas le temps de leurs lectures et font semblant de tout vouloir..) ou ceux qui pensent qu’il faut chercher la valeur d’un écrit avec lente attention. Pas moi... La lenteur je la garde pour les relectures (et je relis beaucoup, une fois que le test premier a fait garder l’ouvrage). Ma méthode est la lecture transversale (en bibliothèque, debout, pages tournant à toute vitesse : cela accroche ou pas – et si ce n’est pas le cas aucune lenteur ne me fera aimer ce que l’œil rapide n’a pas capté. Après tout, pour moi (en ce même domaine : la poésie) la méthode est le ciseau d’exigence : pourquoi n’aurais-je pas la même rigueur pour autrui ?
Eh bien, là, beaucoup de textes ont déjà passé le cap du rayon transversal... et donc mérité la relecture lente. Les pages ne s’ouvrent pas par hasard, elles viennent chercher l’œil. Si je n’aime pas tout de suite je n’aimerai pas plus tard. Et si j’aime vite des vers, j’aimerai en lenteur. (Je cherche d’abord la poésie, vers ou prose).
La préface (de Jean-Claude Tardif) interroge la discrétion qu’on reproche parfois à la revue. C’est vrai qu’une telle qualité mériterait plus d’envergure... avec ces pages qui font vivre du  contemporain.
J’ai parcouru aussi des notes de lecture. Ces regards qui vont donner l’envie d’aller vers un ouvrage, un auteur. Et j’ai lu avec attention, particulièrement, les deux textes qui parlent d’auteurs que je connais (pour ce que je ne connais pas je reviendrai...). Etonnée de voir Omar Khayyâm, comme si souvent (malgré l’intérêt qu’il suscite, et l’hommage authentique qui est rendu à son art), victime d’un malentendu répétitif : le vin, l’ivresse : portrait d’un épicurien qui deviendrait presque une sorte de matérialiste, athée militant (j’exagère...). Or Khayyâm doit, je pense, être lu à la lumière du contexte de son temps (codes d’écriture et de vie comme portes de liberté, provocations aussi, pour sauver sa solitude intérieure). Mais surtout à l’aide des clés que la symbolique soufie donne pour entrer autrement dans cette œuvre, et la déchiffrer....   Mais ce lecteur aime l’auteur qu’il évoque et le fréquente, preuve que les œuvres riches se donnent diversement à qui veut faire le pas vers elles. Ma lecture sera différente, avec ce vin où les soufis, qui savent une autre dimension du poète, voient la traduction d’une saveur (important cette notion de saveur dans cette voie) qui révèle une aventure, une expérience difficilement traduisible autrement. Le portrait de Shams de Tabriz que fait Elif Shafak dans le roman « Soufi, mon amour » (10/18) croise la figure de Khayyâm, d’une certaine manière. Personnages qui échappent à tous les cadres. Vin réel et vin symbolique ont droit de cité, et rôle... pour eux. Lire, ainsi, une autre introduction à l’œuvre, pourra prolonger la découverte qui est proposée dans la revue « A L’Index » (par quelqu’un qui fréquente son œuvre depuis longtemps). Autre lecture : http://kulturica.com/k/litterature/les-quatrains-d-omar-khayyam/ (Citation : « De ce fait, pendant des siècles, Omar Khayyam est passé pour un païen qui s’adonnait à la boisson et à d’autres jouissances diverses, un "libre penseur" proche de l’hérétisme aux yeux des religieux, des occidentaux et… du reste du monde. Il a échappé aux yeux des profanes que les termes de "vin", "taverne" ou "ivresse" pouvaient avoir un sens mystique très éloigné du sens premier. Mais, pour les esprits sensibilisés à la mystique soufie, Khayyam a toujours été un maître. »)
..................
Une autre note de lecture concerne Jean Sénac, œuvre de mon panthéon personnel (et bien plus, œuvre d’ancrage, d’identité). Poète frère (« frère(s) de terre » comme la page d’un site algérien nomme les natifs du pays de toutes communautés – de terre et d’esprit). Native hispanité algérienne...  (Dans mon poème « 36 choses à faire avant de mourir », chez pré#carré, je choisissais de terminer ainsi : « 36. Envoyer un télégramme à Jean Sénac, pour qu’il me tende la main, juste à la fin. »). J’apprécie qu’on le propose aux lecteurs : c’est un immense auteur (lui qui « signe d’un  soleil »). Mais, non, Sénac n’était pas « amoureux des » Algériens : il était, il est, un Algérien majeur. La formule en fait un étranger et cela me déconcerte, me blesse. Sans carte nationale, oui, ce du fait des règles ethniques et religieuses, choix d’un régime politique à vision univoque, et de la démarche qu'il aurait dû faire de demande de la nationalité algérienne pour l'obtenir. Or il considérait qu'il n'avait pas à la "demander", que c'était un droit de naissance et d'engagement. Sur l'assassinat de Sénac, il faut lire "Assassinat d'un poète" de Jean-Pierre Péroncel-Hugoz... et on apprend alors beaucoup sur la fin de la vie de Sénac, en éclairant la vie entière. Et sur toute la souffrance de l’indépendantiste voyant son pays se perdre... 
Sur Sénac, voir (citations et liens), la vignette de l’album Poésie : Jean SENAC, « Œuvres poétiques ». Publications, enquête, hommage, film, articles. Vignette avec références, citations, liens :http://tramesnomades.hautetfort.com/album/poesie/4203498262.html(‘’ET-JE-SIGNE-D-UN-SOLEIL’’-album-poésie)
Mais l’essentiel est de donner à lire (ou envie de relire encore) et Khayyâm et Sénac, ce qui fut le but des contributeurs... et qu’ils ont, dans le fond, réussi, je crois...
Pour en savoir plus, A L’INDEX : http://lelivreadire.blogspot.fr/
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Sur ce blog, la POESIE est dispersée... Marge droite (ALBUM « Poésie » etLISTE « Poèmes »). Mais aussi, notes (tags : poésie, poèmes, poètes, poète)...

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Luis Benítez est un poète de Buenos Aires, né en 1956, dont la renommée est internationale. Ses 36 livres de poésie, d’essais, de récits et de théâtre ont été publiés dans plusieurs pays d’Amérique latine et d’Europe ainsi qu’aux Etats-Unis. De nombreux prix lui ont été décernés à travers le monde. 

Brève Anthologie Poètique, introduction, sélection et notes de Elizabeth Auster, Éd: Juglaría, Rosario, Province de Santa Fe, Argentine, 2008 ; édition en e-book: www.publicatuslibros.com, Bibliothèque de Livres de Poésie, Éd. Itakkus, Jaén, Espagne.Bonjour, Jean-Claude.
J'ai bien reçu ce matin le numéro 27 de A l'index, et le sommaire est riche et intéressant. Je n'avais pas revu votre revue depuis longtemps, et je gardais en mémoire un format plus grand, du temps où  Michel Héroult l'imprimait, comme il s'occupait aussi de sa Nouvelle Tour de Feu dans laquelle il m'avait plusieurs fois publié bref, souvenirs qui me montrent que j'ai vieilli !

Bien à vous,
J.J. Nuel est comme l’arôme. Poétique de Luis Benitez, essai, par Camilo Fernández Cozman, À l'index N°27 (2014)

Après chaque nouvelle parution, les revuistes doivent faire face au doute qui les assaille : faut-il interrompre ou poursuivre? C'est souvent la rédaction d'un éditorial ou d'un avant-dire qui va relancer la fragile mécanique de la composition d'un sommaire. Jean-Claude Tardif est loin d'être un débutant en ce domaine et ne se laisse pas déborder facilement par le sinistre « à-quoi-bon ». L'empathie présente à chaque ligne de son éditorial témoigne d'un fervent enthousiasme. Il a d'abord composé un épais dossier en hommage à Yves Martin disparu en 1999, ce grand poète qui fut aussi marcheur, cinéphile et clochard céleste. Quelques-uns qui furent ses amis l'évoquent avec pudeur et tendresse tout en laissant la place à de nombreux écrits qui n'ont pas pris une ride. On découvre aussi dans ce numéro les écrits d'un nouveau-venu, Jacques Nunes-Teodoro ainsi que la confirmation de Jean-Jacques Nuel dans le difficile registre des textes brefs, écrits dans une forme hybride et inclassable. Avec « Jeu de paumes », dix poètes croisent leurs voix. On lira encore avec bonheur les nouvelles de Fabrice Marzuolo et de Claire Sicard-Dumay ou les poèmes de Fabrice Farre et d'Hervé Delabarre. « Voix d'ailleurs » s'ouvre, en édition bilingue, à l'univers de Luis Benitez. Vingt pages de critiques viennent clore la dense livraison d' À l'index, revue qu'il faut absolument faire connaître et défendre à tout prix.
(A l'index N°27 (2014), 154 pages, 15 euros -
11 rue du Stade – 76133 Épouville ou revue.alindex@free.fr)


Georges Cathalo – janvier 2015


2009, Éd. Nueva Génération, Buenos Aires.

Quelques numéros disponibles 15€

revue.alindex@free.fr

lundi 20 octobre 2014

A L'INDEX (hors série) "Pour Philippe Soupault"


Ce numéro Hors Série  
sous la direction de Jean-Marc Couvé   
est paru en Octobre  2014  .
16X24 - 105 pages intérieur

Tirage à 200 exemplaires

avec des collaborations  de

Alexandre Alexeïeff, Bernard Ascal, Jacques Basse, Jean-Louis Bernard, Claudine Bohi, J-M. Couvé, Eric Dejaeger, Yves Frémion, Georges Friedenkraft, Marie-Joseph Godard, Christine Guilloux, Alain Helissen,Werner Lambersy, Danielle Le Bricquir, Wanda Mihuleac, Bernard Morlino, Peter Neu, Bernard Noël, Denis Parmain, Man Ray, Ghislain Ripault, Yak Rivais, Jean Rousselot, Amina Saïd, Louis Savary, Jacques Simonomis, Christine Soupault-Chemetov, Nicolas Stérin, Jean-Claude Tardif, Marlène Tissot, Anne Wicker, Christian Zeimert

textes inédits, collages, documents iconographiques...


SOMMAIRE
Jean-Claude TARDIF | Entretien avec Jean-Marc Couvé 5
Bernard ASCAL | Philippe Soupault et la musique 25
Jean-louis BERNARD | Seuls les errants demeurent 28
Jean-Marc COUVE| Soupault : souvenirs polymorphes 31
Jean-Marc COUVE | Soupault serpente en silence 40
Eric DEJAEGER | Soupaultsthumes 44
Yves FREMION | Définir Soupault 45
Georges FRIEDENKRAFT | Enquête de police (Renku) 47
Marie-Josèphe | D’après Ode à l’amitié de Ph. Soupault 51
Christine GUILLOUX | Tout un poème 53
Alain HELISSEN| Soupault variations 56
Werner LAMBERSY | En pensant à Philippe Soupault 60
Peter NEU | Un petit clin œil 63
Bernard NOËL | L’oeil de Soupault 65
Denis PARMAIN | Homme – ah – jappe : hé, est-ce ? 72
Ghislain RIPAULT | Mon cher Jean-Marc 74
Yak RIVAIS | Soupault C.T. 78
Jean ROUSSElOT | Lettres 83
Amina SAÏD | Ouvrir des yeux dans les yeux 85
Louis SAVARY, | Compagnon, Camarade 87
Jacques SIMONOMIS | Poème semblable à « toujours le même » 91
Jean-Claude TARDIF | Semblant d'acrostiches pour un aquarium 93
Marlène TISSOT | Nous sommes des fils de la télé 94
Anne WICKER | En visite, rue Chanez, chez Philippe Soupault 96
Christian ZEIMERT | En souvenir d’un beau visage 97

le numéros disponibles 15 €


revue.alindex@free.fr

 On en parle On en parle

Quelques réactions des participants et de lecteurs

Bonjour Jean-Claude,
grand merci pour cette réalisation "Soupault" qui a belle apparence.C'est un vrai plaisir de feuilleter et je vais lire au plus vite ton entretien avec Jean-Marc.J'espère que tu vas bien et t'embrasse avec amitié,
Bernard (Ascal).

mercredi 30 avril 2014

A L'INDEX présente la Collection "LE TIRE-LANGUE"

La collection "Le Tire-Langue" a pour vocation de proposer à la lecture des ouvrages de poésie contemporaine en version bilingue. Le premier titre : "Le pays perdu de ma naissance" du poète kosovar de langue albanaise Ali Podrimja  vient de paraître dans une traduction française sera d'Alexandre Zotos.


L'ensemble est accompagné d'un texte liminaire de Michel Cossec et d'un frontispice de Jacques Basse.
(ce titre n'est pas compris dans l'abonnement revue)

Ali Podrimja
Ali Podrimja est né le 28 août 1942 à Gjakova (dans la Province du Kosovo actuellement devenue République du Kosovo, (mais faisant à l'époque partie de l'Albanie sous occupation italienne). Après une enfance et une adolescence difficiles, à cause de la mort prématurée de ses parents, il fait des études de langue et littérature albanaises à l'Université de Pristina, puis passe toute sa vie à Pristina où il écrit et travaille comme critique littéraire et éditeur. Il réalise plusieurs anthologies de la jeune poésie kosovare. Il donne fréquemment des récitals de poésie lors de rencontres poétiques dans différents lieux et différents pays jusqu'à sa soudaine disparition le 18 juillet 2012 au festival de poésie Voix de la Méditerranée à Lodève.
Auteur d'une quinzaine de volumes de poésie traduits dans de nombreuses langues., Ali Podrimja est considéré comme un des poètes les plus marquants des Balkans.

ci-dessous deux poèmes tirés de l'ouvrage


kjo ka ndodhur ndoshta para Krishtit

dikur moti lexoja libra mbi fashizmin
dhe shumë pak i besoja
para Krishtit ndoshta ka ndodhur kjo
ose kur kthehesha nga Nazareti
në Llap atje kur u ndamë nga Ylfetja
dhe kur fëmijët e helmuar i mbuluam me çarçafë
m’u kujtuan librat e pluhurosura
gati të grisur nën trarë
Anna Frank Ganimetja Ksenofona
deri kur njeriu t’i ndjekë
xhindet nëpër shtëpi
e hënën ta gjuajë gardhiqeve
dikur moti kjo ka ndodhur para Krishtit
ndoshta shumë më herët
se kur kthehesha nga Nazareti


cela doit dater d'avant Jésus-Christ

je lisais en des temps lointains des livres sur le fascisme
auxquels je ne croyais guère
cela doit dater d'avant Jésus-Christ
ou du jour où rentrant de Nazareth
je suis passé à Llap, celui-là même où nous perdîmes Ylfete1
et jetâmes un drap blanc sur les enfants tués par empoisonnement
je me suis rappelé ces livres poussiéreux déglingués
qu’on avait remisés sous les combles
celui d’Anne Frank de Ganimet de Ksenofona2
jusqu’à quand faudra-t-il que l'homme traque
les mauvais esprits aux quatre coins de la maison
et s’en prenne à la lune qui joue dans les haies
tout cela doit dater d’avant Jésus-Christ
si ce n’est de bien avant le temps
où je rentrais de Nazareth


buzëqeshje në kafaz

derisa Petritët Agonët Albanët
çojnë dashuri
me sorkadhe Bubulina shqipe
e zbardhen në vetmi
në hijen e krahëve të korbave
Sheshelët e Arkanët e gogolët
argëtojnë kopilat e mëhallës
klounët e mbramë të metropoleve të Evropës
pakëtojnë kukulla në thasë najloni
kyçin duartrokitje buzëqeshje në kafaz
dhe i bartin tej vezullimave


le sourire en cage

tandis que les Petrit et les Agon et les Alban
sont à s’entraîner
avec les fières Bouboulina3 filles de l’aigle
vivant leur âge en leur domaine solitaire
sous l’aile noire des corbeaux
les Sheshelj les Arkan4 et autres ogres
amusent les gamins du quartier
et les derniers clowns des métropoles de l'Europe
puis leurs marionnettes ils remballent dans des sacs de nylon
les bravos les sourires ils refourent en cage
et les emportent au loin dans une traînée de feu



1 Nom d'une étudiante assassinée par des ultra-nationalistes Serbes
2 Héroïnes de la Résistance
3 Héroïne de l’Indépendance grecque, d’ascendance albanaise. Le mot Shqipëri (Albanie) est censé signifier « le pays des aigles ».
4 Chefs de milices ultra-nationalistes serbes.


 On en parle


Bien que n'étant pas un numéro de la revue de Jean-Claude Tardif "A l'index", ce livre en possède l'esprit et la qualité. C'est le premier ouvrage de la collection "Le Tire-Langue". Il s'agit ici d'une anthologie. On ne pouvait rêver mieux pour inaugurer cette collection et l'équipa novatrice de "A l'index" ne s'y est pas trompée en choisissant un poète de cette envergure.

Esthétiquement très attrayant, ce livre débute par "Une poésie plus grande que le cri", un avant-dire de Michel Cossec qui fait le point sur les problèmes traversés par l'ex Yougoslavie.
Un dessin du talentueux Jacques Basse accompagne l'ensemble dont la traduction de l'albanais (Kosovo) est assurée par Alexandre Zotos
En annexe, une vingtaine de pages concernant les bio-bibliographies de l'auteur de de son traducteur. Une anthologie d'un intérêt évident dans laquelle Ali Podrimja dénonce en des vers sobres et beaux les injustices qui frappent son pays. D'une force motivée par une foi intense dénonce les injustices individuelles mais également les injustices locales, voire nationales. Il nous fait assister à l'explosion de la Yougoslavie. - in Les hommes sans épaules n°39


Quelques réactions des participants et de lecteurs

Cette nouvelle collection ne pourra perdurer qu'avec l'aide et le soutien de amateurs de poésie.

Il fallait que je lise avant et je n'avais guère le temps de lire en ce moment!!Voila qui est fait. Ton choix est fantastique ,tant est fantastique ce livre..Cet auteur que je ne connaissais pas! Merci, et tu me permettras d'être fier de l'avoir croqué. Augurons que ce soit là le bon départ d'une série sans fin!!! - Bien à toi mes pensées - jacques

salut  bien! le premier numéro ; longue vie à la collection ! j'ai pris la
liberté de proposer idem à chiara de luca (italien français ) et à mijskin  jan
(néerlandais  français : c'est le plus grand traducteur reconnu  ( et poète) en
Europe;  je participerai aux frais s'il le faut,  mais continue    je t'en prie
tiens-moi au courant  je t'embrasse  amitié - Werner


Bonsoir Jean-Claude,
Je viens de terminer la lecture de "Le pays défait de ma naissance" d'Ali Podrimja, lourd d'une proximité avec l'insoutenable de la mort, dense de souffrance irrémédiable, cru de la cruauté de toutes les guerres de l'homme. C'est un texte poignant, dont l'abrupte fécondité ne m'a pas lâché. Ali Pdrimja s'est-il suicidé ? J'ai trouvé en vidéo l'hommage qui lui a été fait au Festival. 
Je suis allée rechercher aussi des éléments de phonétique propres à sa langue, afin de me risquer parfois à dire des bribes de cette langue qui m'est radicalement étrangère.
Merci de ce choix pour le premier numéro de la collection "Le tire-langue".
"
Lum lumi
unë jam ai që derën hap

Lumi ma nuit ma lumière

je suis celui qui ouvre la porte " p. 100.
Bien amicalement,



Merci de me faire connaître ce poète et dans une édition qui a l'air réussi, une collection bellement intitulée... qui j'espère pourra accueillir quelques autres poètes (en bilingue) au fil possible du temps
Ghislain Ripault 

J'ai pris connaissance avec intérêt du N° spécial de votre revue consacré à Ali Podrimja. Une belle réalisation qui donne une vision assez complète du rapport à la terre d'origine et aux circonstances  dramatiques vécues par l'auteur et ses concitoyens. La présentation est sobre mais  d'une grande netteté. J'ai été très sensible au dessin à la mine de Jacques Basse. Vous contribuez donc efficacement à la défense de la mémoire de ce grand poète et je ne peux que vous en féliciter. (Philippe Biget)
Du thème existentiel à la métaphore de la pierre
dans la poésie d’Ali Podrimja1

La poésie d’Ali Podrimja a son fondement dans un vouloir-être et vouloir-vivre dont elle décline les attendus et applications, ce qu’illustre et atteste d’emblée la part qu’elle fait au symbole de la pierre. Rien d’étonnant à cela, certes, pour autant que la pierre (s’agissant du marbre, notamment) s’associe par excellence, chez nombre d’écrivains ou poètes de toutes nationalités, à l’idée de pérennité. S’y accole souvent, dans les Balkans et chez les Albanais en particulier, l’idée d’une patience ou capacité d’endurance (un poème de Séféris porte le titre de Pierre de la patience), et mieux encore de résistance à l’infortune et à l’oppression. Et de pierre, en effet, peut-on bien dire — lapidaire, au sens propre du mot — se fait volontiers l’écriture même de Podrimja, tout comme la parole qu’elle consigne, au double plan esthétique et moral, l’un recoupant l’autre, autrement dit en son mode comme en ses thèmes.
De pierre elle est aussi, du même coup, en tant qu’elle s’évertue vers le noyau dur de l’essentiel, j’entends l’essence irréductible et incompressible de toute expérience et de toute conduite, en affirme ou réaffirme le principe et la fin. A cette option d’ordre structurel fait écho, comme toujours chez ce poète, une implication d’ordre moral, la nudité et fermeté du verbe, imitée de celles de la pierre, devenant l’image alternée d’un peuple voué à la pauvreté par un mauvais destin, dépouillé de ce qui faisait sa richesse, coupé de ses propriétés par des bornes ou des murs, et d’un peuple qui a traversé les siècles sans se laisser attaquer ou corrompre dans son identité profonde. Il n’est que de lire, ici, en guise d’illustration, ces vers du poème intitulé les Albanais2 : 

de l'herbe même le ciel ne leur avait fait grâce
rien que des serpents
et des pierres

mais ils possédaient une chose
que Dieu lui-même ne conçut jamais
le don de longue vie

Bien que mises sur le même plan que les serpents, ces pierres n’ont-elle pas rapport, malgré tout, avec la longévité de cette engeance, ce que Dieu — ô ironie du sort — n’avait pas prévu en son méchant dessein ? Un même hiatus, de toute évidence, sépare la borne-frontière qui empêche d’édifier l’Arberie (« asgjë nuk ka lëvizur / aty guri / që nuk na lë ta bëjmë Arbërinë »), dans le poème fenêtre ouverte, de celle de Prévéza (Guri i Prevezës), qui marque la frontière sud de cette Arberie.
L’anthologie dans laquelle Ali Podrimja a voulu rassembler, sur la fin de sa vie l’essentiel — encore ce mot ! — de sa création ne s’intitulait-elle pas Libri mbi të qenit3? On touche là à une notion de pureté et de nudité que concrète (c’est le cas de le dire !) adéquatement la pierre, de par l’impression qu’elle donne d’une matière une, non mélangée, par opposition à la prolifération de l’habillage végétal.
Il nous faut aussitôt nuancer, toutefois, cette notation en rappelant le souci du poète de coller à l’expérience et à l’histoire : d’où une tension permanente, au fil de sa création, entre ce qui relève de l’éternel, de l’immuable — de l’ordre de la pierre, si l’on peut dire — et ce qui relève de l’évolutif, du multiple. Contrebalance souvent la référence à la pierre, du reste, la référence toute symbolique à l’habillage végétal — que résume, chez lui, la forêt — comme image de fécondité, de richesse accumulée de génération en génération, qu’il s’agit d’embrasser et de perpétuer dans son intégrité. Comme j’interrogeais un jour le poète sur la place de son dernier recueil, dans le fil de sa production, il me fit cette réponse, qui trouve ici son plein sens : « L'on n'écrit jamais qu'un seul et unique livre, tout écrivain ne fait que tendre vers le livre total qui fonde et où se fond sa vie entière ; ses publications successives le complètent peu à peu, en composent les chapitres convergents et divers. »
Ali Aliu et Bashkim Kuçuku, tous deux éminents connaisseurs de l’œuvre d’Ali Podrimja4, n’ont pas manqué de relever la portée historique et morale, dans la mythologie nationale de cette référence à la pierre, telle que la reprend et personnalise Ali Podrimja, comme métaphore de l’esprit de résistance. Et il est bien vrai qu’être et résister s’appellent l’un l’autre, par nature et définition.
Vouloir-être et vouloir-vivre confondus, disais-je, et cette tension vers l’essentiel engage conjointement, chez Podrimja, le moi intime du poète et l’être collectif dont il est solidaire, véritablement partie prenante, cela partant, faut-il préciser aussitôt, d’une perception et conscience de soi, non d’une idéologie socio-politique. En cette étroite interdépendance réside sa vérité, son identité, que professe et consacre le verbe-pierre fondateur, pour ainsi dire, auquel il aboutit. Mais aussi, par cette ascèse même dont elle procède et l’esprit humaniste qui l’anime, faut-il noter ici, sa parole déborde tout confinement national, si albanaises que demeurent son âme et sa couleur Loin de réduire sa poésie à une dimension régionaliste, ses traits albanais, ou si l’on veut, les éléments de son albanité, entrent dans une thématique universelle, tout en demeurant les garants de son authenticité aux yeux même des lecteurs étrangers.

Ali Podrimja se pose donc, en cette conjonction ontologique, peut-on dire, entre le moi individuel et l’être collectif, en « pâtre-poète » de la petite patrie kosovare, pour user d’une appellation à la Hugo, et plus largement de tout l’univers albanophone. Pleinement respectueux des minorités que reconnaît la Constitution du Kosovo, il se réclame, en effet, d’une nation éclatée en états distincts mais que cimentent une langue et une histoire communes, et inclut même, dans sa « fratrie », jusqu’aux Albanais (dits Arberèches) de l’Italie méridionale et de la Sicile, établis là depuis l’invasion ottomane. Pour faire référence à un autre Romantique français, Baudelaire, il s’est révélé et affirmé, de son vivant même, comme l’un des Phares de son pays, sinon de l’Europe entière, et méritait dès avant sa mort, sans doute, d’être élevé à l’ordre d’« Honneur de la Nation », par le chef de l’état albanais.
On s’étonne, du coup, à première lecture, de ce que ce sentiment d’appartenance à un peuple et à sa terre s’exprime, parfois, sous la forme d’une cruelle solitude : voir le poème intitulé, justement solitude, ainsi que ballade, ou défaut de verbe, pour ne citer que ceux-là. C’est que la solitude même, chez lui, est un lot qui se partage : faisant sien le grief de toute une nation, il se sent confronté, au sortir d’une histoire encore brûlante, à un monde hostile ou menaçant, comme il ressort, par exemple, du poème à l’ombre de l’invisible dieu : « où donc tournés les yeux d'Argus » demande-t-il dans le vers refrain, ce qui suppose un homme et un peuple sans défense, privés de tout soutien, livrés à eux-mêmes, l’oubli des dieux expliquant et parachevant celui des hommes.
Ce constat désolé, qu’on ne retrouve plus guère, il est vrai, depuis que le Kosovo a acquis l’Indépendance, suscite parfois un désarroi — mais d’une conscience qui se scandalise, comme dans et je me vois vivre, ou qui vire à un défi, à un sursaut de fierté : ici comme là, résonne la voix de l’homo albanicus dont le poète se fait l’incarnation et l’avocat. C’est encore dans l’épreuve, cependant, qu’il restaure ou prévient le dommage subi ou redouté, ne serait-ce qu’en attestant des ressources poétiques de sa langue. Et dans le feu de l'acte créateur — qui est aussi mouvement méditatif, effort tendu vers la sagesse — les affres du Kosovar se projettent en fables et métaphores des assauts de l'inhumain contre humain, du mal contre le bien, mais aussi, en inversant l'initiative, de la vie contre la mort. De fait, la plupart des textes obéissent à un principe duel, recouvrent une dichotomie, en forme d’alternative, ou d’expectative. Par opposition, notamment, à celle de l'errance et du voyage, l'une des figures de fond dans l'imaginaire d'Ali Podrimja, est celle d'un espace vital, foyer et refuge de vie toujours contesté de l'extérieur, parfois de l'intérieur. Dessine, modèle cet espace, en sa réalité concrète, charnelle, comme en sa dimension symbolique, la kulla (demeure traditionnelle, en forme de tour fortifiée), dont l’Avril brisé d'Ismaïl Kadaré offre une autre vision, plutôt dramaturgique.

Ainsi touchons-nous du doigt la polarité double — thématique d’un côté, esthétique de l’autre — de cette poésie. Mémoire vive, passionnelle et passionnée, acte par et dans lequel s’accomplit une symbiose, entre le moi du poète et le moi collectif, elle vise, parallèlement, on l’a vu, à une austérité qui commande et qu’instaure un rigoureux travail d’écriture : dans le temps même qu’il se réfère à la pierre, pourrait-on dire, Podrimja se fait tailleur de pierres.
Pour être synonyme, toutefois, d’économie et de densité, cette option d’ordre esthétique et stylistique, ne le porte nullement à une froide distance. La vigueur des ellipses, tout comme le nerf du trait laconique ne font que traduire et signaler, chez lui, un volontarisme foncier, quand ce n’est une véhémente conviction. Bien plus que réticente, sa parole se fait abrupte, tranchante, dès lors qu’elle se veut, le plus souvent, exhortative ou revendicative. Les textes de Podrimja ne sont pas rares, en effet, où il s’insurge et fustige les fauteurs d’injustice en des vers incisifs, cependant qu’ailleurs, la même nudité, ce même laconisme diront le souci de rester digne dans la souffrance, de contenir l’émotion, ou d’imprimer au poème, quand il tient de l’éloge, de l’hommage ou de l’appel, la hauteur et l’éclat de l’imperatoria brevitas.
Cette répugnance à la prolixité s’explique aussi par un parti avoué de modernité, la poésie discoureuse et discursive patissant, à ses yeux, d’une trop grande proximité avec la prose, et d’une trop grande soumission à la raison raisonnante, d’où le renoncement quasi radical à la syntaxe, au profit de la parataxe. La spécificité du langage poétique réside, pour lui, dans une forme à la fois décantée et condensée, par le biais, principalement, du symbole. Et c’est bien par là, d’abord, que le poème se hausse à l’exemplarité, à l’ordre emblématique.

Les textes à caractère autobiographique illustrent plus que tout autre cette volonté et capacité de dire l’émotion sans se départir d’une certaine dignité, d’une fierté stoïque. La perte précoce de ses deux parents puis de son second fils, dont il a immortalisé le nom — Lumi — ont marqué à jamais, on le sait depuis le recueil cardinal — (In)fortuné Lumi5 — le cœur et l’esprit du poète, mais l’ont aussi, peut-on dire, révélé à lui-même. L’intensité du sentiment est à raison même, en effet, dans les textes de ce cycle-là, d’une concordance entre le choix esthétique et le principe moral : ils nous touchent par la tension, mais aussi la collusion qui se crée entre l’obligation de dignité et le cri jailli du plus profond de l’être. Le frémissement le dispute, ainsi, à la sobriété, la noblesse à l’intensité, le charnel au spirituel.
Les textes même où la voix du poète se fait vox populi, ne s’éloignent guère, au demeurant, du strict domaine autobiographique : ils continuent, en l’élargissant, le lyrisme intimiste. Podrimja témoigne de et pour son peuple, de et pour la terre kosovare, à travers, là encore, les figures de la mère, du père, de l’épouse ou du fils, ou par référence à la maison familiale (où l’on retrouve l’espace-refuge évoqué plus haut), à son cadre rustique, voire au sentiment amoureux : tout comme la France d’Aragon, dans La rose et le réséda, sa patrie devient la belle bien-aimée qu’il assure d’un attachement que rien ne saurait remettre en cause, dans je redirai les mêmes mots.
Si la référence à la patrie kosovare s’estompe, dans tels de ses poèmes où passe la figure de Fitore son épouse — elle que la nuit ne recouvre encore, qui lui est dédié, la femme et ton corps — elle transparaît clairement dans ceux qu’inspire le souvenir de sa mère : une même fonction semble ses deux « genitrix » : « pas question de bafouer le serment qu’Elle jura / Elle est au-dessus de toute autorité / et je m’incline devant sa majesté suprême », écrit-il dans Mère descend au centre de la terre, à quoi font écho le poème de ma Mère et la pomme de ma Mère.
Ainsi le deuil de Lumi revêt-il pareillement une double dimension, et ce à un double titre, puisque vécu uniment au plan individuel et collectif, comme appel au devoir de vie et comme source de douleur. Comptable de tous ses morts, le poète ne les apaisera et n’obtiendra d’eux qu’ils le laissent en paix que par le respect de leurs volontés. C’est bien là ce qu’il nous dit encore dans le vœu de Lumi, et surtout dans au lever. Viatique, le poème-titre de l’anthologie bilingue de fondencre, et le chemin de Lumi tiennent même d’une sorte de « feuille de route » que le père transmet au fils, dont la perte se tourne ainsi en un départ vers une vie plus digne et plus accomplie6. Mieux encore, le poème se laisse presque lire comme un monologue pour autant que cette suite d’exhortations relève aussi bien d’une affaire de soi à soi — inflexion que conforte la clausule — si ce n’est de soi à tout un peuple, le poète reportant sur ce dernier le beau nom de Lumi7.
Tout cela illustre on ne peut mieux les osmoses qui conditionnent l’existence — celle du moins de Podrimja — et, par là, fondent notre essence. Le rapport même de soi à soi ne passe jamais, chez lui, que par chacun des êtres connus ou anonymes, vivants ou non, pris ensemble ou séparément, dont il se sent et se veut solidaire, par nécessité naturelle plus encore que par un choix délibéré.

La symbolique et le thème poético-existentiel de la pierre, remarquais-je plus haut, revêt un tour éminemment albanais, sous la plume de Podrimja, de par l’interférence d’éléments qui définissent et constituent ce qu’on peut appeler son « albanité », sans que cela le retranche, pour autant, du Parnasse universel, bien au contraire : le fils de l’Aigle rend lisible, explicite à tous les esprits, toutes les consciences, cette « albanité », en même temps qu’elle atteste, comme noté plus haut, d’une parole authentique et sincère.
C’est à travers elle, et donc par ce qu’elle doit à la tradition, qu’il se pose en poète de ce temps, accède à la modernité telle qu’il la conçoit. Ainsi le culte du laconisme, fait-il remarquer, n’est-il pas sans exemple dans les légendes du Nord. Le refus de dévaluer les mots est bien le propre, aussi des vieux sages fjalëpakë (hommes de rare parole) de la bjeshkë (alpages), selon l’image consacrée par la poésie populaire. (Elle est a passé jusque dans la littérature dite savante.) Et puisque nous voici dans les alpages, le poème intitulé distinguo a tout l'air d’être sortie de la bouche d’un berger du mont Tchabrat.
En authentique créateur, Podrimja ne saurait, toutefois, s’en tenir au seul argument de la « couleur locale ». Ainsi a-t-il enrichi la référence albanaise à la pierre en forgeant la locution « lancer sa pierre », qu’on croirait de source populaire mais dont il a la paternité. On la trouve, en particulier, dans viatique et l’heure de gym, et ici comme là, elle signifie clairement s’engager, se projeter dans le monde, y prendre sa juste place. Au temps même où il se voyait dépossédé de son bien le plus cher, partant comme dépourvu de la force même du verbe, au sens grammatical du mot, dans défaut de verbe, le poète gardait en main, ultime ressource, la pierre qui le maintient « tout à côté de soi » et « autour de la flamme » :

[…]
et me revoilà seul
loin du monde
tout à côté de moi
là sous le ciel
en ce point de la planète
ma pierre au creux de la main
et me revoilà seul
autour de la flamme

Dans le poème intitulé, comme par symétrie, sans titre (et qui remonte de même au temps de la pire spoliation), il écrivait encore : « ma vie s’en est allée / déplaçant ma pierre », laquelle se comprend comme la pierre fondatrice, la pierre de l’essence. Ainsi faisait-il bien écho, à ce proverbe qu’il m’est arrivé d’entendre de la bouche d’un homme du Nord, revenu d’un exil amer, et que je rapporte de mémoire : la pierre ne pèse jamais tant que fichée dans son propre sol.
Le paysage albanais n’est pas sans entrer, forcément, dans ce thème et symbole de la pierre, vu d’abord la géographie des terres albanaises. S’y rapporte en particulier, je l’ai dit, l’image de la kulla. Dans un sens analogue s’interprète l’évocation du pont d’Arta : associé au souvenir du père, ce pont légendaire actualise le fait identitaire et l’idée d’une continuité de génération à génération. Au décor pierreux des hauts-plateaux du Nord, tel que le déploie Avril brisé, le fameux roman de Kadaré, renvoient également ces tumulus mortuaires ou ces agonisants, la tête calée sur une pierre, comme on en voit sur les fameux clichés de la collection Marubi, et comme le poème le sommeil de la terre, voire ta mort, en ramènent le souvenir.
Pour autant, enfin, qu’il ressort de l’inscription — dont la pierre est le support par excellence — le style lapidaire ne pouvait que convenir à une poésie volontiers accointée à la forme gnomique… Où l’on retrouve le parler des vieux sages de la montagne, soit dit en aparté. Nombre de ses textes distillent, en effet, un ou des aphorismes, flirtent avec la fable et la parabole, ou s’y assimilent, soit autant de formes qu’adopte volontiers la poésie populaire albanaise, surtout si l’on y adjoint les poètes de la Renaissance, dont le peuple a fait siens tant de leurs écrits. Mais tout comme il refuse les abandons et dérives prosaïques, Podrimja se garde là, en poète d’aujourd’hui, de tout didactisme, et surtout de tout discours in abstracto : la leçon, si enjeu moral il y a, le cède à la méditation, au questionnement, et ce sur fond d’une expérience cruciale, inscrite dans sa chair.

« Cela pleure un homme certaines fois », lit-on dans poético-forte et comme tout être conscient de ses deuils et fort d’un idéal — d’une raison de vivre, à tout le moins — le poète kosovar a ses rêves et ses nostalgies. Aussi la parcimonie de ses textes n’a-t-elle d’égale que leur densité humaine. Gravés comme dans le marbre (on croit lire souvent une stèle), ils laissent entendre, par le fait déjà de cette consistance, que nulle douleur, en lui, ne saurait signifier une défaite, une capitulation. Tous, en définitive, exhortent à la noblesse, préludent à une revanche de l’esprit, et si sombres qu’ils puissent être, prévaut toujours, en leur ultime résonance, l’idée d’un homme que ni revers ni coups du sort n’empêcheront de relancer sa pierre.
Aussi, comme tous ses amis, les circonstances de sa mort me laissent-elles rêveur. Avait-elle un lien avec cette mort-vie de Lumi, qui n’aura cessé de le hanter ? Du moins demeure-t-il qu’aux derniers instants de sa vie, il attestait encore que l’axe existentiel de sa création ne se dissocie pas d’une exigence morale, non plus que de sa quête de beauté poétique. Viatique appelait à un dépassement, tirait une leçon de vie, mais sait-on, par ailleurs, si ce deuil indélébile — fût-il aussi résurrection — qu’est venue aggraver, peut-être, la douleur de voir s’éteindre en lui ses facultés créatrices, suite aux premiers signes d’une maligne affection, ne l’aura poussé à se risquer sciemment vers l’autre rive, comme il écrivait dans l’un de ses poèmes funèbres ? N’aura-t-il pas vécu sa propre mort comme un rendez-vous de vie avec Lumi ? Bien étranges, en tout cas, sont les vers en forme de promesse du poème la flamme bleue :

vienne la mort tout à son gré
elle me trouvera de par là-bas

je n’aurai pas changé de place
nous nous regarderons comme d’anciens amis

que l’emporte le plus fort des deux
libre à elle de paraître

si la flamme bleue elle outrepasse
je serai là qui attend une fleur fanée au bout de la main

Or on a effectivement trouvé un bouquet de fleurs des champs à son côté… Aussi, avec des poèmes comme le chemin de Lumi, ta mort et la flamme bleue, où le poète semble devancer son propre destin, se parachève un cycle qui, pour moi, l’égale au père de Léopoldine, s’il ne le surpasse, en son propre hommage… Du moins est-ce sur ce vivace élan d’amour d’un père vers son fils qu’il me plaît de clore mon voyage de par le royaume de ce franc burrë i dheut que fut le désormais immortel Ali Podrimja, héraut de l’Arberie et de l’universelle patrie humaine.

Alexandre Zotos
1 Le présent article reprend, en les resituant et réaménageant, des éléments de la préface à l’anthologie bilingue parue en France sous le titre Viatique (éditions fondencre, 2014, dessins de Joël Debouiges), le choix de ce titre, a priori surprenant puisqu’il correspond à Me jetue, se trouvant expliqué plus loin, et un index final donnant les originaux des titres cités. On les trouvera ici, tout comme les citations, selon le principe typographique convenu du vivant de l’auteur et adopté dans Viatique : la majuscule, dont Ali est grand usager, n’est donc été maintenue, hors les noms propres, que pour les mots investis à ses yeux d’un caractère sacré. Ainsi tranchent-ils d’autant plus nettement sur ceux « de la tribu », comme sur ceux dont la majuscule ne tiendrait qu’à la place du mot, en début de vers ou de phrase, à une symbolisation de circonstance ou à la simple mise en épingle de telle chose ou notion commune, soit les cas variables qui la justifient dans les textes originaux. Ces extensions symboliques de circonstance ne se font plus, du coup, que par les seules suggestions et connotations qu’induisent les textes, sans l’ajout d’un signe matériel. L’absence, enfin, de toute ponctuation s’autorise du phrasé même de l’auteur, lui qui ignore, pratiquement, la virgule et le point-virgule, outre que les strophes, distiques ou vers isolés, dont se constituent nombre de ses textes, rendent le point superfétatoire. Ce choix ne fait qu’aller dans le sens de ce qu’on peut appeler sa poétique de la nudité, sur fond d’une aspiration à la modernité et à la spécificité de la poésie jusqu’en ses projections écrites sur la page… Ce qui n’est pas soutenir, bien sûr, qu’il n’est de modernité et de poésie qu’en l’absence de toute ponctuation !
2 Un index final donne les originaux des titres cités.
3 Brezi 9, Tetovë, 2008, et (réédition revue et augmentée) Kosova Pen Qendra e Kosovës, Prishtinë, 2009.
4 Voir, respectivement, Kush do ta vrasë ujkun, Alb-Ass, Tetovë – Tiranë, 2002, et Litari i ankthit, Toena, Tiranë, 2002.
5 Sorte de journal poétique, il retrace, sans prosaïsme bien sûr, la « passion » du fils et du père, en leur commune odyssée vers la fatale échéance. Chose rare pour un recueil de poèmes, il a été réédité dix fois, avec d’occasionnelles redistributions, selon les conjonctures, tout en restant le livre de référence de toute une vie.
6 D’où le titre français, selon le principe d’une liberté de choix respectueuse du texte original, rien n’imposant de la limiter au seul cas des titres de romans... D’autant que la clausule de ce poème son tout dernier vers — introduit explicitement, en l’occurrence, l’idée d’un voyage, qui est dans le mot français viatique, et qu’outre le détournement laïque du sens chrétien de ce mot, il contient aussi, phonétiquement, par sa syllabe initiale, le titre albanais, me jetue signifiant, littéralement, vivre.

7 Un élargissement implicite prolonge cet élargissement explicite, en ce sens que la leçon de vie se tire non de la mort en général, mais de celle d’un enfant : en son calvaire comme en sa tombe, Lumi reste promesse de vie, sans que jamais, bien sûr, le poète ne suggère sciemment une dimension christique, ce qui ne la rend pas illégitime, toutefois, dans l’esprit d’un lecteur chrétien.