- La collection "Le Tire-Langue" a pour vocation de proposer à la lecture, des ouvrages de poésie contemporaine en version bilingue. Les titres précédemment parus, sont "Le pays perdu de ma naissance" du poète kosovar de langue albanaise Ali Podrimja, "Août 36 Dernier mois dans le ventre de ma mère" du poète turc Özdemir Ince, "La Ronde des Rêves" de la poétesse italienne Chiara de Luca, "Voix Liminales" de la poétesse Franco-américaine Françoise Canter, "Pour un éloge de l'Impossible" du poète castillan Miguel Casado, "Maine" et "Poèmes à un ami français du poète Robert Nash, "La musique me revient par vagues" de la poétesse américaine Anne Sexton, "Mes Humeurs Vagabondes" ou "La Mine !" du poète allemand Johannes Kühn et " Ma rue s'appelle "Reste Fidèle""
- Robert Nash
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Poèmes épars dans une chemise en carton vert
Éditions À l’index, 2021, 93 pages.
Que de voix recluses dorment sous des chemises en carton ! Nous vous parlions, l’an passé dans cette rubrique même, de poèmes de Robert Nash que l’éditeur Jean-Claude Tardif avait découverts dans une caisse appartenant à son père, proche ami du poète. L’aventure aurait dû se terminer là si le même éditeur n’était tombé entretemps sur cette chemise en carton vert dans une propriété en Bretagne. Le poète anglophone, francophile de surcroît, qui s’était astreint à une vie solitaire dans une région forestière du Maine après la perte d’un fils au Vietnam et de sa femme deux ans plus tard n’avait sans doute jamais eu l’ambition de faire publier ses textes. Plus amoureux de poésie (lisons-le citer Raymond Carver) qu’écrivain — gageons que l’écriture était pour lui essentiellement le désir d’un échange avec quelques amis et, surtout, un dialogue avec lui-même —, il n’a probablement jamais tenté de publier ses poèmes. Le fait ne doit aucunement être rare, on l’imagine, mais la beauté claire de ce dernier opus sauvé par le plus pur des hasards nous amène à penser aux nombreuses voix souterraines qui ne trouveront jamais la lumière. La traduction irréprochable de Françoise Besnard nous fait découvrir une sorte de journal rédigé au fil du temps où un raton laveur, un renard, un grizzly, le souvenir d’une connaissance, le frémissement de la nature où la visite de son voisin l’indien Ours Bleu sont autant de jalons que la vie a plantés dans l’indifférence de cette même nature, du renard ou du raton laveur. Les années ont vu s’éloigner / bien des êtres, bien des choses, l’espace s’est élargi autour de moi, / le vide a pris sa place, toute sa place. Ou encore en parlant d’une randonnée dans les Appalaches : Le faux pas me guette ; / piètre acrobate sur le fil aiguisé des pierres / petit homme minuscule en approche du Mont Baxter. L’homme s’efface donc et ne restera peut-être qu’une chemise en carton qui un jour aussi s’effritera si personne ne la trouve pour lui donner vie.
CARINO BUCCIARELLI
ppelle Reste Fidèle" de la poètesse allemande Mascha Kaléko
Après "Maine" et "Poèmes à un ami français", Jean Claude Tardif a encore fait de la belle ouvrage en éditant des poèmes de Robert Nash si bien traduits par Françoise Besnard, dans la collection bilingue "Le Tire-langue" (fort réussie à l'instar de la collection ""Les Plaquettes où j'aurai la joie de figurer bientôt) et ce en marge de sa non moins excellente revue "A L'Index" ...!!!
Bravo l'ami et merci pour Robert Nash et ceux qui aimeront ces poèmes...
J'ai dévoré d'un trait ce recueil, et ce après ma lecture émerveillée du Tome III du Journal de Mauriac, changement radical d'univers, d'époque, de pays et de style...!
Voici un des poèmes
Hier, étonnement !
Quand j'ai réalisé
que le même mot désignait
un ensemble de montagnes usées
et des fleurs en grand nombre:
Massif.
Aujourd'hui
le monde est différend
je regarde le plus petit caillou
comme un bouquet
et la moindre pensée
prend à mes yeux
l'allure d'un sommet vertigineux.
Au mois de mai 2022 "Poèmes épars dans une chemise en carton vert" a été repris et publié aux Etats-Unis dans sa version en langue anglaise aux Editions Downeast Books sous le titre : When the blue goes
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