mardi 14 juillet 2020

LE TIRE-LANGUE présente Robert NASH/ "Poèmes à un ami français"

La collection "Le Tire-Langue" a pour vocation de proposer à la lecture, des ouvrages de poésie contemporaine en version bilingue. Les titres précédemment parus, sont "Le pays perdu de ma naissance" du poète kosovar de langue albanaise Ali Podrimja,  "Août 36 Dernier mois dans le ventre de ma mère" du poète turc  Özdemir Ince, "La Ronde des Rêves" de la poétesse italienne Chiara de Luca,
"Voix Liminales" de la poétesse Franco-américaine Françoise Canter et "Pour un éloge de l'Impossible" du poète castillan Miguel Casado





Robert Nash naît en 1930 à Eastbourne. Petite station balnéaire du Sussex, non loin du cap Béveziers. Peut-être y a-t-il croisé, enfant, le roi Georges V et la reine Mary ou Claude Debussy qui disait de cette station en vogue des bords de Manche, que c'était un lieu « où la mer s'exhibe avec une correction purement britannique ». À la fin des années 30 ses parents émigrent vers les États-Unis. Il se marie en 51 avec Catriona Macfarlane. Ils auront un fils mort au Vietnam en 1974. Catriona mourra deux ans plus tard. C'est peu de temps après que Robert Nash s'installera dans sa petite maison du Maine. Il disparaît en 95, alors qu'il était parti en randonnée. Malgré les recherches son corps ne sera jamais retrouvé.

Du même auteur, dans cette même collection est paru en 2018 : "Maine"

On en parle




Poèmes à un ami français
Robert Nash
édition bilingue, traduit de l'anglais par Françoise Besnard-Canter
édité par la revue À L'INDEX
Collection Le Tire-Langue, 2020
17,00 €
On pourrait dire que ce livre renferme un trésor. De ceux que l'on trouve de manière inattendue dans le coin d'un grenier. Et ce qui fait son prix n'est ni sonnant, ni trébuchant. C'est la charge d'humanité, d'émotion, de vérité qu'il contient.
Ce trésor, ce sont des poèmes adressés par Robert Nash à son ami français, le père de Jean-Claude Tardif. Parmi tous les textes retrouvés, beaucoup étaient abîmés, illisibles dans leur totalité. C'est à un patient travail de lecture et de choix que Jean-Claude Tardif s'est livré pour reconstituer cet itinéraire de poésie et d'amitié qui, sans être une biographie, dessine les contours d'une vie bouleversée par la mort d'un fils (Lee, tué au au Vietnam) et de l'épouse aimée (Catriona, morte de chagrin). Un chemin qui conduit Robert Nash jusque dans le Maine où il vécut la fin de sa vie dans le souvenir déchirant de ceux qu'il aimait. Une vie en lambeaux comme les poèmes que retrouva Jean-Claude Tardif dans le grenier de son père. Des textes qui nous mettent au plus près de cet homme et de son drame exprimé dans une langue simple et proche. Bouleversant.


Beaux poèmes aussi avec le livre de Robert Nash, que je ne connaissais pas. C''est très "américain", au bon sens du terme. Textes "simples" (!?), s'inspirant de petites (ou graves) choses de la vie, mais avec une émotion retenue, et donc très intense par les mots. On pense à du Carver, du Bukowski, et bien d'autres, mais Nash a sa voix, et ses poèmes résonnent en nous.



Robert Nash 

Poèmes à un ami français

Éditions de la revue À l’Index, 2020, 105 pages.

Curieuse aventure en vérité que celle de ce manuscrit. L’éditeur, Jean-Claude Tardif, lui-même poète, alors qu’il soulève le couvercle d’une malle, découvre des poèmes-lettres adressés à son père. L’auteur : un certain Robert Nash, Anglais devenu Américain. Tout à la surprise de plonger dans l’échange occasionné par une amitié dont il ignorait tout, il se surprend à déchiffrer l’anglais de vieux feuillets, tantôt peu lisible, tantôt totalement ruiné par le temps et l’humidité et à aller jusqu’à concevoir une édition. Ainsi, quarante ans après avoir été écrites, voici que nous accédons à quelques pages sauvées de l’oubli. La voix de Robert Nash, toute en clarté et sobriété, nous invite, en dévoilant quelques parts intimes d’une destinée, à pénétrer dans la dernière phase d’une vie faite de solitude voulue et acceptée. Nous allons donc, au fil des poèmes, nous rapprocher des souvenirs de la femme aimée, disparue deux années après la perte du fils, mort en 1974 au Vietnam. Nous ne trouvons là aucun dolorisme, mais une déchirante méditation sur le repli d’un homme qui trouve dans la présence d’un blaireau la seule et suffisante compagnie. Un sac à dos / rien d’autre pour une vie / peu de souvenirs d’enfance / une plage peut-être sur la côte anglaise / un père, une mère / qui présage ce que vous serez. Que valent donc nos destinées ? sinon d’accéder à l’oubli de sa propre personne. L’auteur évoque largement des faits anodins, le cri d’un balbuzard, le vent dans les arbres, sans jamais relâcher sa pensée unique : l’effacement. Et comme si l’écriture était dictée par une loi interdisant tout hasard, nous apprenons en fin de volume que Robert Nash a disparu en 1995 ; il ne rentra jamais d’une randonnée et son corps ne fut pas retrouvé. Saluons aussi le travail de la traductrice, Françoise Besnard-Canter. Si elle suit quand cela est permis le texte au plus près, elle sait que le passage au français nécessite souvent un déploiement des vers dont l’original en anglais, langue de l’ellipse par excellence, peut se passer. N’y voyons là aucune trahison, mais au contraire la volonté de se rapprocher, au risque parfois de l’ajout d’une idée, de la pensée intime de l’auteur.

 

CARINO BUCCIARELLI

 

 ROBERT NASH i. m. 

II

 

   Dylan ne l’a pas lu, ni Sylvia Plath. Pas plus que Berrigan – à ne pas confondre avec Brautigan,      qui ne l’a pas connu, non plus – et Bukowski pas davantage qui pensait (comme Ferré me le répétait, aussi), que tous les poètes vivants – sauf lui – étaient nuls. Non avenus.

   Dylan, de même prénom, ne l’a pas vu errer dans le Maine, entre 1976 et 1995, État où il a survécu,    en triste état, après tant de deuils et douleurs, en proie au doute. Berrigan aurait aimé, j’en suis certain, croiser cet homme-là, meurtri sincèrement, irrémédiablement meurtri, mais qui se tint debout, sur le fil de la canne-épée de la poésie. Oui, Nash (son nom… de ville !) se tient debout, à le lire, et la poésie, avec lui, tient la route, à bout de bras, sans apprêt ni fla-fla. C’est en cela qu’il est proche de Brautigan, toujours à hauteur d’humaine humilité, mais, à l’inverse de Richard (… tu m’entends ?), il ne se suicida, Nash. Robert avait mieux à faire : il correspondit, par exemple, des décennies avec le père de Jean-Claude, et celui-ci ne retrouva ces lettres que par hasard, d’autres décennies plus tard.

   Comment Dylan, nobélisé de frais, pourrait avoir entendu parler d’un poète jamais publié ?                 Et comment diable Berrigan, je veux écrire Brautigan, aurait pu lire Robert Nash ? Même Ferlinghetti – toujours en vie, à 101 ans – dernier acteur-témoin de la mythique Beat Generation – ne lira sans doute jamais cet homme qui partit seul en randonnée, en 1995, et dont le corps, à l’instar d’un Arthur Cravan,

ne fut jamais retrouvé. Bukowski en a la chique coupée ; voire coupe-rosée ! Un poète authentique, bien que (ou parce que) jamais imprimé de son vivant… J’entends, d’ici, Emily Dickinson rigoler :   « – Vous voyez bien que ce qui compte, c’est être, bien plus que paraître. Puisqu’on finit, tous, par disparaître. » Et Patti Smith, marraine des punks, renchérit : « – No future ! »

   Nash, contre toute attente, est accessible grâce à Françoise Besnard-Canter, poète-traductrice, et à Jean-Claude Tardif,  revuiste-éditeur, en deux tomes de lettres-poèmes posthumes : « Maine », revue À l’Index, collection Le Tire-langue, 2018 et « Poèmes à un ami français », ibid, 2020. Un troisième tome est bouclé. Ne reste plus aux lecteurs qu’à se précipiter… Qu’en eût dit Cummings ? « The answer, my friend, is blowing in the wind... » et de Bob Dylan à Bob Nash, ce n’est pas un bobard !

 

                                                                                              Jean-Marc Couvé, à Dieppe, 17-19/08/2020

Jean-Marc Couvé (1957), auteur-compositeur-interprète, traducteur, illustrateur, citoyen du Monde


Bonjour Monsieur TARDIF,

Je viens de réceptionner le livre de Robert NASH
Sa lecture me bouleverse.
Cordialement


Au mois de mai 2022 "Poèmes à un ami français" a été repris et publié aux Etats-Unis dans sa version en langue anglaise aux Editions Downeast Books sous le titre : When the blue goes




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