Voici le vingtième-troisième titre de la Collection "Les Plaquettes" Format 21X15 - 43 pages intérieures - Préface de Gabriel Mwènè Okoundji accompagné de huit dessins de Claude Jacquesson
Jacques Boise
Vers l’outre mer
Éditions À l’index, 2020, 43 pages.
L’appellation « Le livre à
dire » regroupe une très féconde revue et plusieurs collections poétiques
que l’éditeur Jean-Claude Tardif nous présente sous le titre « À
l’index ». Parallèlement à des publications où des auteurs internationaux,
et non des moindres, sont publiés toujours en format bilingue, nous sont
offerts des recueils de poètes français. On découvre dans sa collection
« Les plaquettes » cette envoûtante suite de poèmes en prose de
Jacques Boise. Le titre à lui seul dévoile le trajet que fera l’auteur. Et le je
pourra ici servir de transfert à tout personnage, comme le lecteur lui-même,
qui voudra emboîter son pas vers la plage, la mer, et toute la nature qui
s’offre comme tableau. Car, si l’eau, le sable, les nuages, les pins et autres
éléments naturels servent de cadre à ce texte, il s’agit bien ici, et avant
tout, d’une pérégrination humaine. Présentée par diptyque, chaque page se veut
la même aventure discrète au fond d’une âme et les tableaux poétiques vous
retiennent sans arrêt. Le charme incessant de cette série se trouve porté par
une écriture mûre et maîtrisée. Seule la relecture vous fait percevoir la
qualité de forme tant, au premier parcours, on se laisse envahir par l’aspect
aussi visuel que discret des poèmes. Le beau mariage du texte et des
illustrations de Claude Jacquesson ajoute encore à l’unité de ton de la plaquette,
et le préfacier Gabriel Nwènè Okoundji ne manque d’ailleurs pas de souligner
que la musique singulière de cette prose poétique provient d’un exil intérieur
et non de la simple contemplation. Nous ne savons rien de l’auteur si ce n’est qu’il
n’en est pas à sa première publication, deux titres apparaissent de lui dans le
catalogue du même éditeur, et nous attendons donc le développement de sa voix.
CARINO BUCCIARELLI
Jacques Boise, Vers l'outre mer, À l'Index, coll. Les Plaquettes, association « Le Livre à dire » Jean-Claude Tardif 11, rue du Stade 76133 Épouville, (12€)
Le troisième recueil de Jacques Boise (après Paysage avec mare, en 2019, et Halte à Zaporijia suivi de Jusqu'à Irkoutsk, en 2020, chez le même éditeur) cultive la veine méditative des précédents, tant sur les hommes que sur les pays traversés par ce grand voyageur. La forme est identique : courts versets en prose de 9 lignes. La précision de l'expression s'y allie à l'acuité d'un regard qui s'attarde sur des détails (gouttes d'eau, cormoran, bogues, champignons, etc.) pour dire la saison (l'automne est aussi celui de la vie), ou l'infini du ciel, de la nuit ou de la mer. Beaucoup de couleurs dans ces vignettes qui font songer à des marines évoquant « le grand tableau brun de la plage ». Si bien que l'homme immobile (le poète), confronté au grand corps mouvant de l'océan, scrutant les vagues, éprouve la sensation d'un éternel recommencement. Cette marque du destin inscrite en toutes choses ici-bas exprime un cycle vital : « L'histoire recommencera alors éternellement, vague. » Des vagues au vague à l'âme, donc ! Climat propice à une rêverie douce-amère, aussi profonde que celle d'un Baudelaire confronté à l'abîme liquide (cf. « L'homme et la mer », Les Fleurs du mal, XIV). Chez Boise, pareillement, l'homme et la mer sont aussi jaloux l'un que l'autre de garder leurs secrets.
À commencer par les lieux qui ne sont pas nommés – à quoi bon courir le risque de s'y enraciner ? Le poète nous confie : « Je ne sais rien de cet ici. » L'« ici » en question prend valeur universelle, terrestre, par opposition au ciel et à la nuit, sources de renaissance (« Néanmoins le ciel est propre, comme recommencé. ») ou de terreurs archaïques (la nuit est le domaine des peurs, de l'amour, ou même des morts). Les lieux rendent compte d'un passage, lequel prélude à l'effacement universel rythmé par le flux/reflux des vagues.
L'écoulement du temps est trahi par le « bruit que font les feuilles sèches dans le brun des rabines ». Il marque « la vie qui s'échappe. » L'horizon est porteur de questionnement : « Où se pose le reflet du présent ? » Le temps lui-même est mort. Décidément, le diable est dans les détails...
Le poète, veilleur de nuit, se fait témoin de la mort à l’œuvre : « odeurs d'humus , de mousses ; de pourritures. », « Odeurs de vase, la mort compose. » Il assiste au spectacle offert par la nature : « Souvent la mer. La danse. Le mélange des bleus. Rien d'autre que ce mouvement et moi, immobile, à le suivre des yeux. » Il devient « le passant » confronté au tragique : « Regarder n'est plus acte anodin quand le ciel tremble et s'inverse. » Il en va de même des apparences. Ce qui paraît anodin prend alors valeur essentielle : ainsi, faire le tour de l'île c'est « Revenir sur soi-même sans le savoir vraiment, semblant d'inadvertance. » Aussi bien, l'île se métamorphose-t-elle en l' « il ». Procédé inverse de l'humanisation du réel en texte : réel décomposé par un « je » (celui du poète) devenu étranger à soi-même...
Le voyage comme expérience littéraire consiste, pour Boise, à « revenir d'enfance comme on revient d'ailleurs. » C'est un prétexte pour interroger sa présence au monde. Ainsi, un « Silex noir veiné de blanc. » devient-il objet de méditation. Ce caillou ne livre rien de ce qu'il contient de ses secrets « à l'exception de cette blanche blessure qui [lui] dit soudain la dureté d'être au monde. » Retour aux Fleurs. Travail de l'intertexte. D'ailleurs, Boise lit « Baudelaire alors que les albatros ont presque disparu. » Gageons que les poètes ne tarderont pas à suivre le même chemin d'écume. Sombre prédiction qui rend le voyage d'autant plus urgent que nécessaire. S'embarquer, soit ! Mais gare aux naufrages !
Boise chante le désespoir de l'homme dressé, seul, face à l'océan, qui guette « une fêlure qui [lui] donnerait à voir l'intérieur du ciel, son reflet sur les vagues. » Vainement : « Pourtant je suis seul avec l'horizon. » La seule rencontre évoquée dans ce recueil a lieu dans un café de Kholmogory : « Je l'écoute, pense à Cendrars. » Unique trace de sociabilité dans ce recueil qui souligne l'impuissance du langage – fût-il poétique – à dire pour partager l'expérience des hommes dans un monde où tout chavire, où les « histoires qu'on se raconte pour effrayer nos peurs » marquent la limite de tout échange. Car que dire de ce monde où tout craque, si ce n'est que le bruit annonce une fin : « Le petit jour et la dernière phrase, nous diront, seuls, l'état du monde ».
Que peut le poème ? Peu. Reste l'infini (retrouvé?). Il fascine, inquiète, terrifie, mais parvient à restituer la beauté d'un indicible qui réside dans le pacte poétique.
Les dessins de Claude Jacquesson prolongent le trait de côte célébré par le poète. Ils empruntent à ces bois (flottés?) des éditions de jadis qui savaient rythmer une lecture. Ils montrent que le grand corps mouvant de l'océan peut aussi mimer le corps figé du poète dans sa contemplation inquiète du monde.
michel lamart
Les lecteurs parlent de Boise
Cher Monsieur,
J’ai bien reçu votre livre de Jacques Boise « Vers l’outre mer » avec la préface de notre ami Gabriel.
J’ai infiniment aimé ce texte et les dessins qui l’illustrent, dans une belle correspondance.
Il y a du silence, des profondeurs, des histoires que l’on a envie de partager.
Que cela fait du bien dans cette période où nous avons besoin de lumières et de sens!
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