La collection "Le Tire-Langue" a pour vocation de proposer à la lecture, des ouvrages de poésie contemporaine en version bilingue. Les titres précédemment parus, sont "Le pays perdu de ma naissance" du poète kosovar de langue albanaise Ali Podrimja, "Août 36 Dernier mois dans le ventre de ma mère" du poète turc Özdemir Ince, "La Ronde des Rêves" de la poétesse italienne Chiara de Luca et "Voix Liminales" de la poétesse Franco-américaine Françoise Canter
Ouvrages vendus 17 € (port compris) même coordonnée que la revue A L'INDEX
Miguel Casado est
né à Valladolid en 1954, il vit à Tolède
depuis 1996. Poète, traducteur, critique littéraire et essayiste,
il a été traduit en allemand, anglais, arabe, néerlandais,
portugais, et en français. Sa présentation critique en édition de
poche (Cátedra) de Gamoneda, ainsi que celle de José-Miguel Ullán,
font autorité.
El
día escinde la percepción
al
colorear la tierra.
Limita
el dolor
con
la promesa del tiempo.
Presenta
lo ya vivido
como
imagen de lo por vivir.
(Invernales,
1985
Le
jour scinde la perception
en
coloriant la terre.
Limite
la douleur
avec
la promesse du temps.
Présente
le déjà vécu
comme
l'image de ce qui est à vivre.
Bibliographie
Poésie
Invernales
(Hivernales), Premio Arcipreste de
Hita, Alcalá la Real, 1985. Réédition partielle de ces poèmes
sous le titre : Para
una Teoría del Color
(Pour la théorie des couleurs),
Nómadas, Gijón/Oviedo, 1995.
La
Condición de pasajero
(La condition du passager), Ediciones
Portuguesas, Valladolid, 1986; puis Editora Regional
Extremadura, Mérida, 1990.
Inventario
(Inventaire), Prix
Hyperion pour la poésie), Ediciones Hiperión, Madrid, 1987.
Falso
Movimiento (Faux
Mouvement),
Cátedra/Poesía, Madrid, 1993.
La
mujer automática
(La femme
automate),
Cátedra/Poesía, Madrid, 1997.
Tienda
de fieltro
(Tente en
feutre),
DVD, Barcelone, 2004.
El
sentimiento de la vista
(Le
sentiment de la vue),
Tusquets Editores, Barcelona, 2015.
Essais et critique littéraire
De
los ojos ajenos (Dans les
yeux des autres): lectures de Castille, de Léon et du Portugal,
Salamanca, 1999.
Apuntes
del
exterior
(Notes de l'extérieur), Santander,
1999.
La
puerta azul
(La porte Bleue): las poéticas de Aníbal Núñez, Madrid, 1999.
Del
caminar sobre hielo
(De marcher sur la glace), Madrid,
2001.
La
poesía como pensamiento
(La poésie comme la pensée), Madrid, 2003.
El
vehemente, el ermitaño (Le
véhément, l'ermite):
Lecturas de
Vicente Núñez,
Málaga, 2004.
Archivos
(Archives):
lecturas, 1988-2003, Burgos,
2004.
Ramón
del Valle-Inclán,
Barcelona, 2005.
Los
artículos de la polémica y otros textos sobre poesía
(Articles de la polémique et autres textes sur la poésie),
Madrid, 2005.
Deseo
de realidad
(Désir de la réalité),
Oviedo, 2006.
El
curso de la edad
(Au fil de l'âge):
lecturas de
Antonio Gamoneda,
Madrid, 2009.
La
experiencia de lo extranjero, Ensayos sobre poesía,
(L'expérience de l'étranger. Essais
sur la poésie), Barcelona, 2009.
La
palabra sabe (Savoir et
saveur de la parole), Madrid, 2009.
Literalmente
y en todos los sentidos. Desde
la poesía de Roberto
Bolaño (Littéralement et
dans tous les sens. Dans
la poésie de Roberto Bolaño),
Madrid, 2015.
“Ciudad
de los Nómadas –Notas de una lectura de Paul Celan–“, dans le
collectif Lecturas
de Paul Celan,
Madrid,
2017.
Paul
Verlaine, La
bonne chanson, Romances sans
paroles, Sagesse, Cátedra,
Madrid, 1991.
Roberto
San Geroteo, La
parole d'un homme,
Icaria Poesía, Barcelona, 1999.
Ponge,
Francis, La
rage de l'expression, Icaria Poesía,
Barcelone, 2006 &
La rage de l'expression, La
fabrique du pré, Le parti pris des choses,
Galaxia Gutenberg, Barcelone, 2006.
Arthur
Rimbaud, Obra poética (œuvre
poétique), DVD, Barcelone, 2007.
Bernard
Noël, Le
reste du voyage et autres poèmes
(avec Olvido García Valdés); Journal
du Regard, Madrid, 2014.
Mais
aussi: Essais de Baudelaire, Mallarmé, Valéry dans Poe,
Baudelaire, Mallarmé, Valéry, Eliot : Matemática Tiniebla
(Ténèbre Mathématique). Genealogía
de la poesía moderna
(Généalogie de la poésie moderne),
Barcelone, 2010.
En
préparation:
Gastão
Cruz, A
moeda do tempo,
traduit du portugais.
23/06/2019
"POUR UN ÉLOGE DE L'IMPOSSIBLE". MIGUEL CASADO TRADUIT ET PRÉSENTÉ PAR ROBERTO SAN GEROTEO
El día escinde la percepción / al colorear la tierra.
Le jour scinde la perception
en coloriant la terre.
.
(…) este extraño
elogio de lo imposible
que acompaña al que no supo detenerse.
(…) cet étrange
éloge de l’impossible
qui accompagne celui qui n’a pas su s’arrêter.
Miguel Casado (traduit par Roberto San Geroteo)
.
Ce livre, bilingue, publié en 2017 par À L’Index (Jean-Claude Tardif éditeur, Le livre à dire) dans la collection Le Tire-langue (traductions) est un choix de poèmes de Miguel Casado, allant de 1985 à 2015. Le choix des textes, la traduction, et l’introduction sont de Roberto San Geroteo, poète et traducteur (Valdès, Gamoneda… etc.).
Miguel Casado est poète, essayiste, critique, et traducteur (de Verlaine, Rimbaud, Ponge, Noël, San Geroteo… etc.).
L’introduction permet de découvrir l’itinéraire de l’auteur. L’accent est mis sur l’ancrage du poète dans une conscience historique et donne des clés de lecture, qui m’intéressent particulièrement, dont une qui a un rapport avec le regard. Le cinéma est très présent dans les références de Miguel Casado, inspiré par des films, dont Faux mouvement de Win Wenders. Ce lien avec Wenders rejoint la question de l’ancrage dans le réel, car celui-ci, dans son livre Emotion pictures, fait le procès des images qui mentent (truquées, fabriquées), travestissant le réel. Cette référence n’est pas anodine, elle dit une parenté intellectuelle et esthétique, une exigence éthique. Je note aussi la mention de Kandinsky, dans les oeuvres qui inspirent aussi l’écrivain. Ceci interroge autrement (tout en confirmant l’importance du regard pour le poète). Car, si Roberto San Geroteo insiste sur le rapport au réel et à l’Histoire, en ajoutant que cette écriture ne cherche « aucune sorte de transcendance », Wassily Kandinsky, lui, est l’auteur du livre « Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier ». Le mot spirituel est polysémique, certes, mais mène cependant à la prise en compte d’une dimension de l’humain qui transcende, en quelque sorte, le rapport au quotidien, le rapport aux choses. Cette proximité signe une complexité, un possible paradoxe, et c’est intéressant aussi.
L’essentiel reste l’importance du regard. Or ce poète a un regard de peintre : les couleurs sont partout dans ses textes, partout une « matière » visuelle, aussi. D’ailleurs une de ses publications est titrée « Pour une théorie de la couleur ».
Enfin, autre référence, L’Étranger d’Albert Camus. Clé, cette fois, pour saisir le questionnement de l’auteur sur ce réel qu’il interroge et peint avec ses mots, et sur la conscience d’être soi et autre en même temps. Rencontre camusienne pas étonnante, et pas seulement en rapport avec le thème de l’étrangeté à soi-même. Pour un poète espagnol, l’hispanité assumée de Camus est une porte d’entrée dans son oeuvre. Un titre de Miguel Casado, parmi les essais sur la poésie, est « L’expérience de l’étranger ». Ne l’ayant pas lu je ne peux que supposer comment la question du rapport à l’autre, étranger à soi, et à l’autre en soi, peut intervenir dans la théorie de la poésie. Mais il est vrai que l’enjeu de la poésie est de scruter les failles du sens : c’est donc complètement lié. (Il ne reste plus qu’à lire l’essai…).
Autre essai, je note, dans la bibliographie, un titre qui est un programme théorique et pratique, « La poésie en tant que pensée ». Penser à partir du fait d’écrire, le poème comme matrice conceptuelle.
En ouvrant le livre, dès les premières pages des notations de couleur.
« (…) des franges de bleu entre les nuages », ou l’eau verte, mais « à peine ». Couleurs esquissées, légères, subtiles (souvent) ou franches, nettes, fortes (plus rarement), tout le livre est peinture. Ce qui est vu est aussi ce qui s’entend. Comme si les « sons végétaux », venant de l’eau, entraient dans le paysage. Et « quelque chose », dit-il, « suggère la fiction du mouvement » (« Faux mouvement » de Wenders ?). Comme si le poète-peintre était en même temps celui qui se méfie du narratif de ce qui est regardé, pour ne pas être piégé par les apparences. Il regarde, il peint, et il pense, en décalage immédiat de lucidité. C’est passionnant de constater cette rigueur de la distance prise avec son propre regard. Page qui suit je remarque le mot « simulacre » (au sens pluriel, tout étant, là, dans ce moment, simulacre). C’est venu de l’absence de couleur sur « certains versants », la nudité du « rien ». Ce n’est pas du silence, dit-il, et pourtant c’est un monde « muet ». Retrait intérieur par rapport à la nature qui ne donne pas, ou semble ne pas donner, dans cet instant en tout cas, sa place au vivant qui regarde, à l’humain.
Couleurs, encore. Le noir loin de la lampe, métaphore d’une angoisse cependant. Puis le bleu de la plaine, le gris de la mer. Même fumer est l’occasion de parler de couleur, de créer un tableau. Cigarettes d’autrefois, et cigarettes actuelles. Le papier, le filtre. Ou, ailleurs, couleur brune de la terre, et verte d’une source, ou sombre des nuages et de la pluie. Et la fumée bleue qui semble être la brume sur le paysage, puis l’orange des arbres (feuilles d’automne peut-être, ou reflet d’un soleil couchant). Même le vent semble avoir une couleur ou créer de la couleur. Et enfin l’écriture elle-même est vue, graphie noire et traces d’encre.
La couleur est aussi matière qui peut se toucher. Terre, sable, poussière, pierres, bois, feuilles… L’eau, le végétal. Comme dans les livres d’artistes où des éléments concrets sont posés, collés.
Je tourne les pages, je reviens en arrière, au tout début. L’étranger est là, l’autre en soi. Il parle de se « reconnaître », et de l’étrangeté de ce ressenti, soi présent qui ne ressemble pas à soi du passé. La distance avec lui-même est aussi dans « l’opacité des images ». Dehors et dedans se rejoignent, le monde visible et la conscience de soi. Il oppose, ensuite, et mêle, « authenticité » et « imposture » des actes et des rêves de la vie. Exercice de lucidité au fil des poèmes. Réflexion sur la mémoire et ses « silences ». Plus loin il parle à ce sujet d’un « exil » (par rapport à soi). Se souvenir est lié à cet exil de soi, des choses du passé qui ne sont plus. Expérience personnelle d’un vide de sens dont il n’attend rien, dans les moments de tristesse devant la dégradation des lieux, des choses et des corps (le sien compris).
Regard. Sans regard pas d’identité, de conscience de soi. Perte des choses et perte de la conscience de soi si le concret n'est plus un repère. (Cela évoque Ponge qu’il a traduit : poser le réel par les objets à saisir, voir, décrire, et ainsi exister).
Regard.
Car « Ce qui est consistant et ne ment pas » c’est cela, « l’émotion du regard » associée au « contact ambigu des pierres » dans la marche.
Dans le dernier texte de cette anthologie, « Autoportrait au miroir », il exprime un regret, un paradoxe. D’un côté « toute la vie à regarder ». De l’autre la myopie, « ces yeux creux et voilés », « ces yeux qui ne voient pas ». Or peut-être est-ce justement cette myopie qui lui a fait regarder le monde en peintre, et écrire en peintre. Car la myopie c’est le flou. Gilbert Lascault, lui, myope aussi, en a fait une force pour penser autrement l’esthétique (celle du peu, de l’impur, du dispersé : lire l’introduction de ses « Écrits timides sur le visible » ). Et dans une thèse sur le flou, « Un 'éloge du flou' dans et par la photographie » (titre que certains traduisent en éloge de la myopie) Julia Elchinger montre en quoi le regard flou est plus juste, finalement. Citation : « Dans la nature, les choses ne sont pas fixes. Et le flou en traduit les vibrations. Le flou frotte les choses entre elles, qui se confondent alors avec tout leur environnement. De ce fait le flou harmonise la vision, bien plus que la netteté ne le fait, puisqu’au contraire elle sépare tout. Donc nous voyons plus selon la vision floue, impressionniste, que selon la vision nette de l’art classique. »
Pour conclure, très beau recueil anthologique, fine traduction de poète à poète. La bonne manière pour entrer dans l’oeuvre de Miguel Casado et avoir envie d’aller plus loin dans la lecture…
MC San Juan
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LIENS…
Note éditeur sur le recueil et l’auteur…
Commande : Le livre à dire, Jean-Claude Tardif, 11 rue du Stade, 76133 Épouville. Le recueil bilingue, 17€
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