mercredi 30 décembre 2020

LE TIRE-LANGUE présente Mascha Kaléko "La rue s'appelle Reste fidèle"


 La collection "Le Tire-Langue" a pour vocation de proposer à la lecture, des ouvrages de poésie contemporaine en version bilingue. Les titres précédemment parus, sont "Le pays perdu de ma naissance" du poète kosovar de langue albanaise Ali Podrimja,  "Août 36 Dernier mois dans le ventre de ma mère" du poète turc  Özdemir Ince, "La Ronde des Rêves" de la poétesse italienne Chiara de Luca, "Voix Liminales" de la poétesse Franco-américaine Françoise Canter, "Pour un éloge de l'Impossible" du poète castillan Miguel Casado, "Maine" et "Poèmes à un ami français du poète Robert Nash"La musique me revient par vagues" de la poétesse américaine Anne Sexton, "Mes Humeurs Vagabondes" et "La Mine !" du poète allemand Johannes Kühn

La Collection "Les Plaquette" présente Jacques Boise/ "Vers l'outre mer"


Voici le vingtième-troisième titre de la Collection "Les Plaquettes" Format 21X15 - 43 pages intérieures -  Préface de Gabriel Mwènè Okoundji accompagné de huit dessins de Claude Jacquesson












Jacques Boise

Vers l’outre mer

Éditions À l’index, 2020, 43 pages.

 

 

L’appellation « Le livre à dire » regroupe une très féconde revue et plusieurs collections poétiques que l’éditeur Jean-Claude Tardif nous présente sous le titre « À l’index ». Parallèlement à des publications où des auteurs internationaux, et non des moindres, sont publiés toujours en format bilingue, nous sont offerts des recueils de poètes français. On découvre dans sa collection « Les plaquettes » cette envoûtante suite de poèmes en prose de Jacques Boise. Le titre à lui seul dévoile le trajet que fera l’auteur. Et le je pourra ici servir de transfert à tout personnage, comme le lecteur lui-même, qui voudra emboîter son pas vers la plage, la mer, et toute la nature qui s’offre comme tableau. Car, si l’eau, le sable, les nuages, les pins et autres éléments naturels servent de cadre à ce texte, il s’agit bien ici, et avant tout, d’une pérégrination humaine. Présentée par diptyque, chaque page se veut la même aventure discrète au fond d’une âme et les tableaux poétiques vous retiennent sans arrêt. Le charme incessant de cette série se trouve porté par une écriture mûre et maîtrisée. Seule la relecture vous fait percevoir la qualité de forme tant, au premier parcours, on se laisse envahir par l’aspect aussi visuel que discret des poèmes. Le beau mariage du texte et des illustrations de Claude Jacquesson ajoute encore à l’unité de ton de la plaquette, et le préfacier Gabriel Nwènè Okoundji ne manque d’ailleurs pas de souligner que la musique singulière de cette prose poétique provient d’un exil intérieur et non de la simple contemplation. Nous ne savons rien de l’auteur si ce n’est qu’il n’en est pas à sa première publication, deux titres apparaissent de lui dans le catalogue du même éditeur, et nous attendons donc le développement de sa voix.

 

CARINO BUCCIARELLI

 

 Jacques Boise, Vers l'outre mer, À l'Index, coll. Les Plaquettes, association « Le Livre à dire » Jean-Claude Tardif 11, rue du Stade 76133 Épouville, (12€)

Le troisième recueil de Jacques Boise (après Paysage avec mare, en 2019, et Halte à Zaporijia suivi de Jusqu'à Irkoutsk, en 2020, chez le même éditeur) cultive la veine méditative des précédents, tant sur les hommes que sur les pays traversés par ce grand voyageur. La forme est identique : courts versets en prose de 9 lignes. La précision de l'expression s'y allie à l'acuité d'un regard qui s'attarde sur des détails (gouttes d'eau, cormoran, bogues, champignons, etc.) pour dire la saison (l'automne est aussi celui de la vie), ou l'infini du ciel, de la nuit ou de la mer. Beaucoup de couleurs dans ces vignettes qui font songer à des marines évoquant « le grand tableau brun de la plage ». Si bien que l'homme immobile (le poète), confronté au grand corps mouvant de l'océan, scrutant les vagues, éprouve la sensation d'un éternel recommencement. Cette marque du destin inscrite en toutes choses ici-bas exprime un cycle vital : « L'histoire recommencera alors éternellement, vague. » Des vagues au vague à l'âme, donc ! Climat propice à une rêverie douce-amère, aussi profonde que celle d'un Baudelaire confronté à l'abîme liquide (cf. « L'homme et la mer », Les Fleurs du mal, XIV). Chez Boise, pareillement, l'homme et la mer sont aussi jaloux l'un que l'autre de garder leurs secrets.

À commencer par les lieux qui ne sont pas nommés – à quoi bon courir le risque de s'y enraciner ? Le poète nous confie : « Je ne sais rien de cet ici. » L'« ici » en question prend valeur universelle, terrestre, par opposition au ciel et à la nuit, sources de renaissance (« Néanmoins le ciel est propre, comme recommencé. ») ou de terreurs archaïques (la nuit est le domaine des peurs, de l'amour, ou même des morts). Les lieux rendent compte d'un passage, lequel prélude à l'effacement universel rythmé par le flux/reflux des vagues.

L'écoulement du temps est trahi par le « bruit que font les feuilles sèches dans le brun des rabines ». Il marque « la vie qui s'échappe. » L'horizon est porteur de questionnement : « Où se pose le reflet du présent ? » Le temps lui-même est mort. Décidément, le diable est dans les détails...

Le poète, veilleur de nuit, se fait témoin de la mort à l’œuvre : « odeurs d'humus , de mousses ; de pourritures. », « Odeurs de vase, la mort compose. » Il assiste au spectacle offert par la nature : « Souvent la mer. La danse. Le mélange des bleus. Rien d'autre que ce mouvement et moi, immobile, à le suivre des yeux. » Il devient « le passant » confronté au tragique : « Regarder n'est plus acte anodin quand le ciel tremble et s'inverse. » Il en va de même des apparences. Ce qui paraît anodin prend alors valeur essentielle : ainsi, faire le tour de l'île c'est « Revenir sur soi-même sans le savoir vraiment, semblant d'inadvertance. » Aussi bien, l'île se métamorphose-t-elle en l'  « il ». Procédé inverse de l'humanisation du réel en texte : réel décomposé par un « je » (celui du poète) devenu étranger à soi-même...

Le voyage comme expérience littéraire consiste, pour Boise, à « revenir d'enfance comme on revient d'ailleurs. » C'est un prétexte pour interroger sa présence au monde. Ainsi, un « Silex noir veiné de blanc. » devient-il objet de méditation. Ce caillou ne livre rien de ce qu'il contient de ses secrets « à l'exception de cette blanche blessure qui [lui] dit soudain la dureté d'être au monde. » Retour aux Fleurs. Travail de l'intertexte. D'ailleurs, Boise lit « Baudelaire alors que les albatros ont presque disparu. » Gageons que les poètes ne tarderont pas à suivre le même chemin d'écume. Sombre prédiction qui rend le voyage d'autant plus urgent que nécessaire. S'embarquer, soit ! Mais gare aux naufrages !

Boise chante le désespoir de l'homme dressé, seul, face à l'océan, qui guette « une fêlure qui [lui] donnerait à voir l'intérieur du ciel, son reflet sur les vagues. » Vainement : « Pourtant je suis seul avec l'horizon. » La seule rencontre évoquée dans ce recueil a lieu dans un café de Kholmogory : « Je l'écoute, pense à Cendrars. » Unique trace de sociabilité dans ce recueil qui souligne l'impuissance du langage – fût-il poétique – à dire pour partager l'expérience des hommes dans un monde où tout chavire, où les « histoires qu'on se raconte pour effrayer nos peurs » marquent la limite de tout échange. Car que dire de ce monde où tout craque, si ce n'est que le bruit annonce une fin : « Le petit jour et la dernière phrase, nous diront, seuls, l'état du monde ».

Que peut le poème ? Peu. Reste l'infini (retrouvé?). Il fascine, inquiète, terrifie, mais parvient à restituer la beauté d'un indicible qui réside dans le pacte poétique.

Les dessins de Claude Jacquesson prolongent le trait de côte célébré par le poète. Ils empruntent à ces bois (flottés?) des éditions de jadis qui savaient rythmer une lecture. Ils montrent que le grand corps mouvant de l'océan peut aussi mimer le corps figé du poète dans sa contemplation inquiète du monde.


michel lamart



 

Les lecteurs parlent de Boise

Cher Monsieur,
J’ai bien reçu votre livre de Jacques Boise « Vers l’outre mer » avec la préface de notre ami Gabriel.
J’ai infiniment aimé ce texte et les dessins qui l’illustrent, dans une belle correspondance.
Il y a du silence, des profondeurs, des histoires que l’on a envie de partager.
Que cela fait du bien dans cette période où nous avons besoin de lumières et de sens!


LE TIRE-LANGUE présente Johannes Kühn/ La Mine!


 

La collection "Le Tire-Langue" a pour vocation de proposer à la lecture, des ouvrages de poésie contemporaine en version bilingue. Les titres précédemment parus, sont "Le pays perdu de ma naissance" du poète kosovar de langue albanaise Ali Podrimja,  "Août 36 Dernier mois dans le ventre de ma mère" du poète turc  Özdemir Ince, "La Ronde des Rêves" de la poétesse italienne Chiara de Luca, "Voix Liminales" de la poétesse Franco-américaine Françoise Canter, "Pour un éloge de l'Impossible" du poète castillan Miguel Casado, "Maine" du poète Robert Nash et "La musique me revient par vagues" de la poétesse américaine Anne Sexton


Du même auteur dans la même collection est paru en 2020 : "Mes Humeurs Vagabondes"

Johannes Kühn, La Mine ! À L’INDEX, Collection « Le Tire-langue », 2020, 100 p., 17 €

Johannes Kühn est né en 1934 à Bergweiler, dans une famille de mineurs de la Sarre laquelle, deux ans plus tard, s’est établie dans le village d’Hasborn, situé à proximité, où le poète vit toujours. Et ce serait à peu près tout pour la biographie, hormis qu’il est l’un des poètes les plus reconnus d’Allemagne, où il a reçu les très prestigieux prix Lenz (en 2000) et Hölderlin (en 2004), que certains de ses poèmes ont été publiés sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre dans « l’Anthologie bilingue de la poésie allemande. De Dietmar von Aist à Johannes Kühn » dans la » Bibliothèque de La Pléiade », et qu’il a réuni une partie importante de ses poèmes en dialecte Hasborn dans un volume intitulé Em Guguck lauschdre, en 1999. En France, trois livres de poèmes de Johannes Kühn ont déjà été traduits par Joël Vincent, qui est aussi le traducteur des deux nouveaux recueils publiés par Jean-Claude Tardif. Poète et éditeur, Jean-Claude Tardif dirige la revue « À l’Index » depuis les années 2000 (41 numéros parus), ainsi qu’une collection « Le tire-langue » qui publie des ouvrages de poésie en bilingue (Robert Nash, Anne Sexton, et Johannes Kühn). Mes humeurs vagabondes est un choix de poèmes réalisé par le traducteur à partir de l’édition allemande, auquel se rajoutent les trois poèmes offerts à celui-ci par Johannes Kühn lors d’une visite dans la Sarre en mai 2019. Le livre est précédé d’une préface de Irmgard et Benno Rech, un couple d’amis qui accompagne Johannes Kühn depuis des années (depuis la troisième année de lycée en ce qui concerne Benno Rech), et qui a édité la plupart des livres de Johannes Kühn. Il n’y a pas un poème qui ne soit rapporté de ses marches dans la campagne autour du « Schaumberg », point culminant de la Sarre à 570 mètres de hauteur, surplombé d’une tour qui par temps clair permet d’entrevoir une partie des Vosges. Au rythme des heures du jour et au fil des saisons, apparaissent tantôt un village, Hasborn ou Bergweiler, tantôt un arbre du parc ou » l’amitié d’un hêtre » ; ici un geai, un hérisson, un écureuil, là des artisans, un fumeur de cigare, un cheval de bois, lesquels mis bout à bout, comme un haïku dont le sens souvent ne se révèle que par sa proximité avec un récit de voyage (Bashô) ou dans une anthologie avec d’autres haïkus (l’extase du papillonl’extase du thé…), recréent un paysage imaginaire de la Sarre. Si le poète aime à vagabonder dans la campagne, ses humeurs aussi proviennent de ce que la nature lui donne : consolation, réconfort, confiance, tout ce qu’il voit dans la nature lui transmet bonheur et joie, parfois nostalgie et tristesse. Toutefois, il faut savoir que cette disposition est réservée à celui qui ne possède rien et qui habite seul en vagabond dans la nature. Aussi n’est-il pas étrange que Johannes Kühn fasse souvent référence au poète allemand Hölderlin (1770-1843), lorsque celui-ci écrivait que : « Riche en mérites, mais poétiquement toujours, / Sur terre habite l’homme. » Même si la nature que décrit Johannes Kühn est un paysage imaginaire, car non seulement la nature n’a jamais existé à l’état idyllique, mais elle est en voie de disparaître de partout, le lecteur d’aujourd’hui peut reconnaître dans ses poèmes une certaine nature « habitée poétiquement » par l’homme. Le second livre de Johannes Kühn traduit par Joël Vincent et intitulé La Mine ! est également constitué par un choix de poèmes, mais qui contraste fortement avec le premier, car il ne s’agit plus de marches vagabondes dans la campagne, mais de la geste et du travail des mineurs dans les puits de charbon. Rappelons que le bassin de la Sarre était une région de production minière et industrielle, et que le traité de paix signé à Versailles le 28 juin 1919 prévoyait que celle-ci devait contribuer au paiement des réparations en nature dues par l'Allemagne à la France. Le Bassin de la Sarre, bien que relevant toujours juridiquement de la souveraineté allemande, fut placé entre 1920 et 1935 sous le mandat de la Société des Nations, et son administration fut confiée à la France. C'est seulement par les Accords de Luxembourg, signés le 27 octobre 1956, que le rattachement politique de la Sarre à l'Allemagne de l'Ouest fut entériné, permettant ainsi de mettre fin à un vieux contentieux au sein des relations franco-allemandes. Cette dimension historique n’est pas véritablement incarnée dans le recueil de Johannes Kühn, mais elle explique les conditions et les réalités de vie des habitants de la Sarre que le poète a perçues et transcrites dans le réalisme de sa poésie. Ainsi porte-t-il une attention particulière aux outils : « La Pelle » ou « Le Burin » du mineur. Il décrit comme un progrès l’invention de « La Machine à découper », et vante « Le Rouleau compresseur », grâce auquel « nos routes ressemblent à des surfaces vitrées. / Et j’en suis fier », ajoute-t-il. Surtout il se montre sensible aux conditions de travail, celles des femmes qui portaient les seaux de charbon et se chargeaient du travail des champs : « Mère avait le travail posté le plus long de nous tous » (en plus d’avoir accouché de huit enfants dont Johannes était l’aîné). Il faut comprendre ce qu’était le « travail posté » et le taux d’emploi élevé des femmes et des jeunes enfants dans les mines. Quelle que soit la solidarité, ou la nostalgie, que Johannes Kühn entretient avec l’ancien monde des mineurs, il se réjouit de sa disparition progressive : « Il y a encore des mineurs, mais peu / qui descendent dans les galeries toutes noires de la mine. » La fin du charbon signifie la fin d’un certain monde, mais aussi le début d’un autre monde où le paysage imaginaire de Johannes Kühn, avec le vent, la nature et les arbres, prend tout son éclat.

 sur le site Sitaudi par Gilles Jallet


Collection Les Plaquettes "Entrées Maritimes" de Werner Lambersy


 Voici le vingtième-deuxième titre de la Collection "Les Plaquettes"
Format 21X15 - 49 pages intérieures - 
accompagné d'un frontispice d'Otto Ganz

































Werner LAMBERSY : Entrées Maritimes précédées de Portrait de l’œil (À l’Index éd., 2020), 50 pages, 12 euros – 11, rue du Stade – 76133 Épouville ou  revue.alindex@free.fr

     Werner Lambersy est un poète prolifique qui n’hésite pas à brouiller les pistes d’écriture et, forcément, celles de la lecture. Son talent n’est plus à prouver et c’est en éternel adolescent insoumis qu’il avance ses poèmes sur l’échiquier de ce qui s’écrit en 2020.  Après avoir publié 11 livres dans la seule année 2019, il n’est pas à la recherche d’une quelconque performance. Ses « productions poétiques » très variées n’en souffrent nullement. Le goût du vertigineux rend familière chez lui la fréquentation des phénomènes astronomiques : étoiles, comètes, arcs-en-ciel et galaxies. « Dans la veste usée du quotidien », Lambersy se reconnaît à la fois solide et fragile. Il écrit : « Je suis né poète / Pour dire des choses secrètes / Que personne pas même moi / N’écoute chanter ». Il sait bâtir des ponts entre le vide et le plein « car nous sommes poème et néant ». Werner Lambersy a su faire obstacle à ces redoutables entrées maritimes qui auraient pu le faire couler à chaque instant de sa riche existence. Il revient de loin, de très loin mais il est sain et sauf. Oui, par la grâce des mots, il est sauvé car « l’homme est la plus pauvre des merveilles ». 

 

dimanche 9 août 2020

A L'INDEX N°41


 Vous qui avez l'amabilité de vous rendre sur ce site, prenez le temps de lire ces lignes pour mieux nous connaître et comprendre pourquoi votre soutien nous est premier - Merci à vous !

A L'index est avant toutes choses une revue dont le premier numéro est paru en 1999.  Dans un premier temps, "prolongement papier"  des Rencontres du "Livre à Dire (1997/2012), elle poursuit, aujourd'hui encore son chemin, se voulant avant tout un espace d'écrits. Au fil des numéros, elle a vu son format, sa couverture, se modifier. Pour se présenter aujourd'hui et depuis sa 20iéme livraison sous un format plus réduit (A5) et une couverture "fixe" avec comme identité visuelle la vignette créée pour la revue par l'ami Yves Barbier.

Les vingt premiers numéros ont été imprimés par l'Imprimerie Spéciale du Soleil Natal dirigée par le poète-éditeur Michel Héroult. La mort subite et prématurée de ce dernier, en septembre, 2012 a laissé la revue orpheline et désemparée. Le tirage du numéro 20 n'ayant été livré que pour moitié, il était impératif de trouver un nouvel imprimeur. La question se posa néanmoins de la cessation de parution.
Primitivement tournée presque exclusivement vers la poésie contemporaine, la revue s'est, au fil des livraisons, ouverte à la prose (nouvelles, textes courts, textes analytiques) Aujourd'hui un équilibre entre ces divers types d'écriture est recherché lors de l'élaboration de chaque numéro. Par ailleurs A L'Index travaille avec des dessinateurs et l'illustrateurs.

Si la revue se présente sous une forme le plus souvent anthologique, avec des rubriques récurrentes, elle consacre aussi à intervalles réguliers des numéros à un auteur qu'elle choisit. Ces numéros sont dits : "Empreintes". Depuis 2015 la revue publie également (hors abonnement) et au rythme d'un titre par an, des ouvrages de poésie en bilingue. La collection s'intitule : "Le Tire-langue". Y ont été publiés à ce jour le poète kosovar Ali Podrimja, le poète turc Özdemir Ince et la poétesse italienne Chiara de Luca. Y est programmé le poète espagnol Miguel Casado.
 A côté de cette collection, d'autres existent : "Pour mémoire" où nous avons republié en partenariat avec les éditions Levée d'encre en 2015 "La légende du demi-siècle" d'André Laude et en 2016 "Le rêve effacé" récit de l'écrivain voyageur Jean-Claude Bourlès ainsi que la collection "Les Cahiers" où, sous la direction de Jean-Marc Couvé, est paru un "Pour Soupault" en 2014.

Tous ces titres sont vendus hors abonnement.

Pour l'avenir une collection de poésie contemporaine est envisagée. Son nom "Les Nocturnes" sa spécificité : les ouvrages qui la composeraient, seraient écrits à quatre mains.
2017 verra la sortie  du premier titres de la collection : "Plaquettes" qui comme son nom l'indique se présentera de petits ensembles de poèmes ou de proses à un prix modique : 7€ port compris. Avec l'espoir de donner envie de lire des auteurs contemporains.  


La revue A L'Index et les collections satellites, ne bénéficient d'aucune aide et se diffusent par abonnement ou achat au numéro, Notre seule publicité : le bouche à oreille des lecteurs et la fidélité de ceux qui nous connaissent et nous lisent.



Les textes lui étant soumis le sont uniquement par voie informatique (revue.alindex@free.fr)

Nikos Belias - Jean Bensimon - Quentin Blasquez Éric Bouchéty - Lionel Bourg - Carino Bucciarelli - Henri Cachau – Françoise Canter - Jean Chatard - Tomasz Cichawa – Sébastien Coccoz - Georges Friedenkraft - Peter Gizzi - Éric Jaumier – Christian Jordy - Jacques Josse –  Anna Jouy -Yves Noël Labbé - Michel Lamart – Volker Maassen - Jacques Nuñez-Teodoro - Béatrice Pailler – Maria Ralaizanaka - Morgan Riet - Roberto San Geroteo - Marie-Claude San Juan - Jean-Philippe Sedikhi - Line Szöllösi - Lucien Suel - Jean-Claude Tardif – Claude Vancour

Illustrations

Claude Jacquesson – Peter Neu

Traductions

Françoise Canter - Vladimir Claude Fišera  Joël Vincent- Alexandre Zotos



À L'INDEX N°41
I.S.S.N. : 1620-3887
18 €

TABLE DES MATIERES

Au doigt & à l'oeil par Jean-Claude Tardif
Dessin de Peter Neu 1
Poésie américaine d'aujourd'hui :  Peter Gizzi
traduit et présenté de l'anglais (USA) par Vladimir Claude Fišera
La ronde de nuit de Rembrandt (texte) de Michel Lamart
Mon fils & autres poèmes de Carino Bucciarelli
Je suis seule, mais… suivi de Tanka pour rire de Georges Friedenkraft
JEU DE PAUMES -Petite anthologie portative -
Éric Bouchéty - Sébastien Coccoz - Éric Jaumier- Morgan Riet- Line Szöllösi - Claude Vancour
Dessin de Peter Neu 2
La famille Y (nouvelle) de Christian Jordy
L'oubli fait loi (inédit) de Jean-Chatard
Glanes, de terre -extraits- de Anna Jouy
Dessin de Peter Neu 3
The Buffalo and the Black Bird (poème) de Françoise Canter
traduit par l'auteure
Notes d'ici & là de Maria Ralaizanaka
Parole donnée à :Tomasz Cichawa
Rencontre de nuit (nouvelle) de Jean-Claude Tardif
Elle, d’elles, non obscures et autres poèmes de Marie-Claude San Juan
D’un passé lointain (nouvelle) de Jean Bensimon
Lignes – souvenir d'atelier – (poème) de Béatrice Pailler suivi de
Acrylique de Claude Jacquesson
À venir (nouvelle)
Venise en vers arihmogrammatiques (poème) de Lucien Suel
Des îles, rien que des îles (fragments) de Lionel Bourg
Miracle & autres poèmes de Nikos Bélias
traduit du grec par Alexandre Zotos
Le retour d’Inti (nouvelle) de Yves Noël Labbé
Dessin Peter Neu 4
Résistance (poème) de Roberto San Geroteo
Souvenirs d'Hiver & autres proses de Quentin Blasquez
Fatrasies -extraits- par Henri Cachau
Nouveau Départ (nouvelle) de Jean-Philippe Sedikhi
Le Jour d'après (poème) de Jacques Nuñez-Teodoro
Deux poèmes (inédits en français) de Volker Maassen    
traduit de l'allemand par Joël Vincent
Dessin Peter Neu 5
À Ostende suivi de Klaus Kinsky (proses) de Jacques Josse
Dessin de Peter Neu 5                               
Montrés du Doigt par Arnaud Forgeron - André Prodhimme



De l’éditorial de Jean-Claude Tardif je retiens notamment la distinction qu’il fait entre les auteurs qui ne sont attentifs qu’à leurs publications, ne montrant pas d’intérêt pour les autres, pas vraiment lecteurs, et ceux qui lisent, curieux d’autrui. Cela rejoint le malaise que je ressens devant des conduites d’autopromotion exclusive. 

Dans ce numéro, entre les textes, de beaux dessins de Peter Neu, très structurés, architectures sombres, rues, lieux, maisons. Et une création de Claude Jacquesson.
 
Des traductions, comme toujours, textes bilingues d’auteurs à découvrir. Poèmes traduits de l’anglais américain, du grec, de l’allemand, cette fois… Des recensions, deux, de qualité (je les mentionne largement). Je suis présente (poèmes), mais je me cite en fin de note, tout en bas.


De Peter Gizzi (traduit de l’américain par Vladimir Claude Fisera) je copie un fragment de poème : 
 

Je ne suis pas un poète
parce que je vis dans le monde factuel
où la peur divise la lumière 
Je n’ai pas de protection contre
le vrai mal et l'argent
qui est le monde
où la plupart des vies sont vécues
(…)
Je ne suis pas un poète
mais un témoin qui porte
l’espace libre qui va bien à nos cœurs
…..
J’ai lu avec attention le texte de Michel Lamart sur poésie et peinture. Étude érudite à partir d’un tableau de Rembrandt et de son titre, La Ronde de nuit. Mais il met l’accent sur la lumière : "Il s’agit de peindre non la nuit mais, bien davantage, le mouvement marquant l’accès à la lumière." Dans sa réflexion il fait intervenir les Goncourt, Huysmans, et il analyse la manière dont ce tableau fut reçu et compris, regrettant l’absence de "l’approche sociale du tableau".
….
J’ai lu, surtout, les poèmes (nombreux), et certaines proses.
Pour les poèmes, il faut citer. J’en choisis certains… 
….
Du poème Présence/absence de Line Szöllösi, je note le début  et la fin :
 
De la présence à l’absence
ou l’inverse
 
sait-on ce qui se cache dans l’ici
si l’ici est ailleurs
(…)
mais nous n’avons pas la clé
pour être.
…..
De Jean ChatardL’oubli fait loi, je note deux fragments :
 
L’haleine des grands fonds 
dissimule au regard ces monstres
fabuleux qui naissent en nos cœurs
et se vêtent d’azur
(…)
La peau sait s’embraser
devant le sorcier fou lorsqu’il
demande au ciel de mutiler l’espace
                     
                                    et d’oublier midi
….
Suit une étrange nouvelle de Jean-Claude Tardif,
Rencontre de nuit
ou une homophonie
Comme souvent, dans ses textes, on bascule entre réel et fantastique. Une rencontre mystérieuse sur une route, ou une hallucination à deux ? Personnages inventés ou fantômes, projections imaginaires nées des contes ? Homophonie. Satire ? Satyre ? Et on voyage dans la mythologie. Le mystère est inscrit sur des notations très concrètes, c’est cela qui déstabilise.
…..
Nouvelle, aussi, de Jean Bensimon. Un passé lointain.
Un rêve entraîne le narrateur dans une recherche de vérité sur son histoire familiale
…...
Poésie, de nouveau, Résistance, de Roberto San Geroteo, dont je commence à connaître l’univers, et l’idéal de justice et fraternité.
 
Citations :
 
Quand je fume tard dans la huit 
je reviens vers vous à l’époque
où nous avons appris à démêler le vrai du faux
question ou sentiment de fraternité
liée à la lutte à l’écoute du silence
propre à chacun(e)
parole singulière passant de l’un à l’autre
rétive à l’oubli
utopie pure et simple
ou est-ce encore la nostalgie
l’anesthésie sur les épaules de la vieille veille.
(…)
Et de la bougie en phase terminale
tombent en silence les derniers pétales.
…...
Et enfin, poème de Jacques Nuñez-TeodoroLe jour d’après (sous-titré Conte à dormir debout)…
Les douleurs du monde…
 
Citation :
 
Vous
hommes innommés innommables
errant à travers les effrois emmurés de géographies convulsives
gosses enfance abolie école démolie
enfoncés dans le boyau assassin d’une mine
hommes ancêtres indiens arrachés
par les bulldozers saignant vos forêts incendiées
hommes mendiants accroupis translucides
dominos branlant au gré des calculs diagnostiques 
…...
Et enfin, dernières pages, deux longues (et passionnantes) critiques.
 
Une pour la revue de Michel CosemEncres vives (août 2019), un dossier sur Claire Légat, par Arnaud Forgeron.
Extraits de Nous nous sommes trompés de monde (recueil de 1966) et D’outre toi-même (recueil en cours de création). Une formule semble qualifier l’univers de cette poésie (au sujet du premier recueil, mais on sent que c’est plus fondamental et permanent). En fait c'est la reprise d'un titre regroupant plusieurs auteurs (mention sur un dossier la concernant, en ligne), mais cela peut traduire une démarche, une interrogation : "Poésie des imites et limites de la poésie". Et Arnaud Forgeron évoque la métaphore de l’alpinisme pour dire les sommets entrevus dans cette poésie (je pense à Erri De Luca...!). Précisant sa pensée il cite André Suarès (Carnets) : "Le grand poète, qu’il s’en doute ou non, est l’oracle d’une religion ou d’une métaphysique". Oui. Ce qui finit de me séduire, c’est ce qu’il note du long retrait de Claire Légat, des décennies de silence. Pour moi qui met de la valeur dans la rareté, c’est là que va surtout mon estime. Et je recopie les dernières phrases de cette lecture, écho à ma tristesse quand je vois passer sur FB tant de poèmes du jour (cette autopromotion de l’immédiateté…) : "Cela a son importance, surtout dans l’engorgement du trafic qui semble sévir en poésie et dans nos sociétés de l’immédiateté." Et "Une voix, celle de Claire Légat, la voie travaillée par le silence". Je vais commander la revue (en espérant qu’elle ne soit pas épuisée), et chercher à trouver l’ancien recueil, en attendant le dernier.
…...
Et l'ample recension d’un recueil de Monique W. Labidoire, par André Prodhomme, qui connaît bien son œuvre.
Voyelles bleues, consonnes noireséds. Alcyone.
Il dit donc son admiration, et c’est efficace, car si on ne la connaît pas encore on a forcément envie d’aller découvrir l’œuvre de l’être chez qui il y a, dit-il, "une lumière qui résiste à tout". Preuve, ce qu’il dit de son histoire, qui commence "avec le noir absolu de l’abjection"  (père disparu en camp, se cacher pour survivre, enfant très jeune, presque bébé). Il explique comment elle "ancre son chant" dans le poème, contre la terreur et les blessures, les ombres de la vie. De ce livre il nous dit qu’il est à prendre "comme une boussole", car donnant des clés vers une sagesse "en humanité", et la beauté... "Je suis acquise à l’échappée", écrit-elle dans un poème. On peut l’interpréter comme le sens de la liberté intérieure, retour lucide sur nos ténèbres et  porte vers le sacré (qui dépasse le religieux). André Prodhomme cite Reiner Maria Rilke pour évoquer Orphée, le poète des poètes, sommet légendaire, et montrer une direction...
J'ajoute que deux autres recueils de Monique W. Labidoire sont disponibles aux éds. Alcyone : D'une lune à l'autre, et Gardiens de lumière... Pour moi, repère fait.
 
Et décidément, je vais fouiller dans ma collection de plusieurs années de la revue, pour voir si je n'ai pas raté des pistes précieuses données, comme là, avec ces deux lectures.
…….
 
Je reviens en arrière, car j’ai suivi les pages… 
Entre deux nouvelles (celles de Jean-Claude Tardif et Jean Bensimon) mes trois (longs) poèmes… Je cite…
 
Elle, d’elles, non obscures
(En exergue, Emily Dickinson et Anise Koltz)
 
Se souvenir des visages que les mers séparent.
Se souvenir des visages perdus en eau morte.
 
Jeter sept cailloux et tracer le sillon du hasard et du calme.
Penser au regard de l’enfant.
 
Mais comment faire devant le monstre intérieur qui crée les guerres et l’absolu du mal ?
 
Comment faire ? 
 
Jeter sept cailloux, et deviner la route, le hasard de la route.
…….
 
Ode aux visages
(en exergue, Emmanuel Lévinas, Charles Juliet, Claude Louis-Combet)
 
On regarde certains visages, comme une pause reposante hors de l’étrangeté habituelle et du déchiffrement qu’il faut faire constamment.
On peut reconnaître la marque de l’accent sur les traits silencieux.
Les voisins, les lointains.
 
De tous ces êtres il faut garder des images, en rêver, et reconstruire un pays de papier dans l’eau déchirée des regards.
…..
Chant multiple
(en exergue, Rainer Maria Rilke, Zéno Bianu)
 
Le silence serait total. Rien, ni bruissement ni souffle ni frôlement. Pas même la soie des pas.
(…)
Dans l’ombre, aussi, un calligraphe et un rabbin, pour le sens du mystère commenté, métaphores et expérience. Traces sur les murs. Mots en espagnol, en hébreu, en arabe. Traduction...
........
© Marie-Claude San Juan, ces trois poèmes, et la recension.
…………………………………...

mardi 14 juillet 2020

Collection "Les Plaquettes" : "Cargo" de Patricia Castex Menier

Voici le vingt-et-unième titre de la Collection "Les Plaquettes"
Format 21X15 - 53 pages intérieures - 
accompagné de quatre peintures d'Annick Le Thoër

LE TIRE-LANGUE présente Robert NASH/ "Poèmes à un ami français"

La collection "Le Tire-Langue" a pour vocation de proposer à la lecture, des ouvrages de poésie contemporaine en version bilingue. Les titres précédemment parus, sont "Le pays perdu de ma naissance" du poète kosovar de langue albanaise Ali Podrimja,  "Août 36 Dernier mois dans le ventre de ma mère" du poète turc  Özdemir Ince, "La Ronde des Rêves" de la poétesse italienne Chiara de Luca,
"Voix Liminales" de la poétesse Franco-américaine Françoise Canter et "Pour un éloge de l'Impossible" du poète castillan Miguel Casado





Robert Nash naît en 1930 à Eastbourne. Petite station balnéaire du Sussex, non loin du cap Béveziers. Peut-être y a-t-il croisé, enfant, le roi Georges V et la reine Mary ou Claude Debussy qui disait de cette station en vogue des bords de Manche, que c'était un lieu « où la mer s'exhibe avec une correction purement britannique ». À la fin des années 30 ses parents émigrent vers les États-Unis. Il se marie en 51 avec Catriona Macfarlane. Ils auront un fils mort au Vietnam en 1974. Catriona mourra deux ans plus tard. C'est peu de temps après que Robert Nash s'installera dans sa petite maison du Maine. Il disparaît en 95, alors qu'il était parti en randonnée. Malgré les recherches son corps ne sera jamais retrouvé.

Du même auteur, dans cette même collection est paru en 2018 : "Maine"

On en parle




Poèmes à un ami français
Robert Nash
édition bilingue, traduit de l'anglais par Françoise Besnard-Canter
édité par la revue À L'INDEX
Collection Le Tire-Langue, 2020
17,00 €
On pourrait dire que ce livre renferme un trésor. De ceux que l'on trouve de manière inattendue dans le coin d'un grenier. Et ce qui fait son prix n'est ni sonnant, ni trébuchant. C'est la charge d'humanité, d'émotion, de vérité qu'il contient.
Ce trésor, ce sont des poèmes adressés par Robert Nash à son ami français, le père de Jean-Claude Tardif. Parmi tous les textes retrouvés, beaucoup étaient abîmés, illisibles dans leur totalité. C'est à un patient travail de lecture et de choix que Jean-Claude Tardif s'est livré pour reconstituer cet itinéraire de poésie et d'amitié qui, sans être une biographie, dessine les contours d'une vie bouleversée par la mort d'un fils (Lee, tué au au Vietnam) et de l'épouse aimée (Catriona, morte de chagrin). Un chemin qui conduit Robert Nash jusque dans le Maine où il vécut la fin de sa vie dans le souvenir déchirant de ceux qu'il aimait. Une vie en lambeaux comme les poèmes que retrouva Jean-Claude Tardif dans le grenier de son père. Des textes qui nous mettent au plus près de cet homme et de son drame exprimé dans une langue simple et proche. Bouleversant.


Beaux poèmes aussi avec le livre de Robert Nash, que je ne connaissais pas. C''est très "américain", au bon sens du terme. Textes "simples" (!?), s'inspirant de petites (ou graves) choses de la vie, mais avec une émotion retenue, et donc très intense par les mots. On pense à du Carver, du Bukowski, et bien d'autres, mais Nash a sa voix, et ses poèmes résonnent en nous.



Robert Nash 

Poèmes à un ami français

Éditions de la revue À l’Index, 2020, 105 pages.

Curieuse aventure en vérité que celle de ce manuscrit. L’éditeur, Jean-Claude Tardif, lui-même poète, alors qu’il soulève le couvercle d’une malle, découvre des poèmes-lettres adressés à son père. L’auteur : un certain Robert Nash, Anglais devenu Américain. Tout à la surprise de plonger dans l’échange occasionné par une amitié dont il ignorait tout, il se surprend à déchiffrer l’anglais de vieux feuillets, tantôt peu lisible, tantôt totalement ruiné par le temps et l’humidité et à aller jusqu’à concevoir une édition. Ainsi, quarante ans après avoir été écrites, voici que nous accédons à quelques pages sauvées de l’oubli. La voix de Robert Nash, toute en clarté et sobriété, nous invite, en dévoilant quelques parts intimes d’une destinée, à pénétrer dans la dernière phase d’une vie faite de solitude voulue et acceptée. Nous allons donc, au fil des poèmes, nous rapprocher des souvenirs de la femme aimée, disparue deux années après la perte du fils, mort en 1974 au Vietnam. Nous ne trouvons là aucun dolorisme, mais une déchirante méditation sur le repli d’un homme qui trouve dans la présence d’un blaireau la seule et suffisante compagnie. Un sac à dos / rien d’autre pour une vie / peu de souvenirs d’enfance / une plage peut-être sur la côte anglaise / un père, une mère / qui présage ce que vous serez. Que valent donc nos destinées ? sinon d’accéder à l’oubli de sa propre personne. L’auteur évoque largement des faits anodins, le cri d’un balbuzard, le vent dans les arbres, sans jamais relâcher sa pensée unique : l’effacement. Et comme si l’écriture était dictée par une loi interdisant tout hasard, nous apprenons en fin de volume que Robert Nash a disparu en 1995 ; il ne rentra jamais d’une randonnée et son corps ne fut pas retrouvé. Saluons aussi le travail de la traductrice, Françoise Besnard-Canter. Si elle suit quand cela est permis le texte au plus près, elle sait que le passage au français nécessite souvent un déploiement des vers dont l’original en anglais, langue de l’ellipse par excellence, peut se passer. N’y voyons là aucune trahison, mais au contraire la volonté de se rapprocher, au risque parfois de l’ajout d’une idée, de la pensée intime de l’auteur.

 

CARINO BUCCIARELLI

 

 ROBERT NASH i. m. 

II

 

   Dylan ne l’a pas lu, ni Sylvia Plath. Pas plus que Berrigan – à ne pas confondre avec Brautigan,      qui ne l’a pas connu, non plus – et Bukowski pas davantage qui pensait (comme Ferré me le répétait, aussi), que tous les poètes vivants – sauf lui – étaient nuls. Non avenus.

   Dylan, de même prénom, ne l’a pas vu errer dans le Maine, entre 1976 et 1995, État où il a survécu,    en triste état, après tant de deuils et douleurs, en proie au doute. Berrigan aurait aimé, j’en suis certain, croiser cet homme-là, meurtri sincèrement, irrémédiablement meurtri, mais qui se tint debout, sur le fil de la canne-épée de la poésie. Oui, Nash (son nom… de ville !) se tient debout, à le lire, et la poésie, avec lui, tient la route, à bout de bras, sans apprêt ni fla-fla. C’est en cela qu’il est proche de Brautigan, toujours à hauteur d’humaine humilité, mais, à l’inverse de Richard (… tu m’entends ?), il ne se suicida, Nash. Robert avait mieux à faire : il correspondit, par exemple, des décennies avec le père de Jean-Claude, et celui-ci ne retrouva ces lettres que par hasard, d’autres décennies plus tard.

   Comment Dylan, nobélisé de frais, pourrait avoir entendu parler d’un poète jamais publié ?                 Et comment diable Berrigan, je veux écrire Brautigan, aurait pu lire Robert Nash ? Même Ferlinghetti – toujours en vie, à 101 ans – dernier acteur-témoin de la mythique Beat Generation – ne lira sans doute jamais cet homme qui partit seul en randonnée, en 1995, et dont le corps, à l’instar d’un Arthur Cravan,

ne fut jamais retrouvé. Bukowski en a la chique coupée ; voire coupe-rosée ! Un poète authentique, bien que (ou parce que) jamais imprimé de son vivant… J’entends, d’ici, Emily Dickinson rigoler :   « – Vous voyez bien que ce qui compte, c’est être, bien plus que paraître. Puisqu’on finit, tous, par disparaître. » Et Patti Smith, marraine des punks, renchérit : « – No future ! »

   Nash, contre toute attente, est accessible grâce à Françoise Besnard-Canter, poète-traductrice, et à Jean-Claude Tardif,  revuiste-éditeur, en deux tomes de lettres-poèmes posthumes : « Maine », revue À l’Index, collection Le Tire-langue, 2018 et « Poèmes à un ami français », ibid, 2020. Un troisième tome est bouclé. Ne reste plus aux lecteurs qu’à se précipiter… Qu’en eût dit Cummings ? « The answer, my friend, is blowing in the wind... » et de Bob Dylan à Bob Nash, ce n’est pas un bobard !

 

                                                                                              Jean-Marc Couvé, à Dieppe, 17-19/08/2020

Jean-Marc Couvé (1957), auteur-compositeur-interprète, traducteur, illustrateur, citoyen du Monde


Bonjour Monsieur TARDIF,

Je viens de réceptionner le livre de Robert NASH
Sa lecture me bouleverse.
Cordialement


Au mois de mai 2022 "Poèmes à un ami français" a été repris et publié aux Etats-Unis dans sa version en langue anglaise aux Editions Downeast Books sous le titre : When the blue goes