mercredi 30 décembre 2020
LE TIRE-LANGUE présente Mascha Kaléko "La rue s'appelle Reste fidèle"
La Collection "Les Plaquette" présente Jacques Boise/ "Vers l'outre mer"
Voici le vingtième-troisième titre de la Collection "Les Plaquettes" Format 21X15 - 43 pages intérieures - Préface de Gabriel Mwènè Okoundji accompagné de huit dessins de Claude Jacquesson
Jacques Boise
Vers l’outre mer
Éditions À l’index, 2020, 43 pages.
L’appellation « Le livre à
dire » regroupe une très féconde revue et plusieurs collections poétiques
que l’éditeur Jean-Claude Tardif nous présente sous le titre « À
l’index ». Parallèlement à des publications où des auteurs internationaux,
et non des moindres, sont publiés toujours en format bilingue, nous sont
offerts des recueils de poètes français. On découvre dans sa collection
« Les plaquettes » cette envoûtante suite de poèmes en prose de
Jacques Boise. Le titre à lui seul dévoile le trajet que fera l’auteur. Et le je
pourra ici servir de transfert à tout personnage, comme le lecteur lui-même,
qui voudra emboîter son pas vers la plage, la mer, et toute la nature qui
s’offre comme tableau. Car, si l’eau, le sable, les nuages, les pins et autres
éléments naturels servent de cadre à ce texte, il s’agit bien ici, et avant
tout, d’une pérégrination humaine. Présentée par diptyque, chaque page se veut
la même aventure discrète au fond d’une âme et les tableaux poétiques vous
retiennent sans arrêt. Le charme incessant de cette série se trouve porté par
une écriture mûre et maîtrisée. Seule la relecture vous fait percevoir la
qualité de forme tant, au premier parcours, on se laisse envahir par l’aspect
aussi visuel que discret des poèmes. Le beau mariage du texte et des
illustrations de Claude Jacquesson ajoute encore à l’unité de ton de la plaquette,
et le préfacier Gabriel Nwènè Okoundji ne manque d’ailleurs pas de souligner
que la musique singulière de cette prose poétique provient d’un exil intérieur
et non de la simple contemplation. Nous ne savons rien de l’auteur si ce n’est qu’il
n’en est pas à sa première publication, deux titres apparaissent de lui dans le
catalogue du même éditeur, et nous attendons donc le développement de sa voix.
CARINO BUCCIARELLI
Jacques Boise, Vers l'outre mer, À l'Index, coll. Les Plaquettes, association « Le Livre à dire » Jean-Claude Tardif 11, rue du Stade 76133 Épouville, (12€)
Le troisième recueil de Jacques Boise (après Paysage avec mare, en 2019, et Halte à Zaporijia suivi de Jusqu'à Irkoutsk, en 2020, chez le même éditeur) cultive la veine méditative des précédents, tant sur les hommes que sur les pays traversés par ce grand voyageur. La forme est identique : courts versets en prose de 9 lignes. La précision de l'expression s'y allie à l'acuité d'un regard qui s'attarde sur des détails (gouttes d'eau, cormoran, bogues, champignons, etc.) pour dire la saison (l'automne est aussi celui de la vie), ou l'infini du ciel, de la nuit ou de la mer. Beaucoup de couleurs dans ces vignettes qui font songer à des marines évoquant « le grand tableau brun de la plage ». Si bien que l'homme immobile (le poète), confronté au grand corps mouvant de l'océan, scrutant les vagues, éprouve la sensation d'un éternel recommencement. Cette marque du destin inscrite en toutes choses ici-bas exprime un cycle vital : « L'histoire recommencera alors éternellement, vague. » Des vagues au vague à l'âme, donc ! Climat propice à une rêverie douce-amère, aussi profonde que celle d'un Baudelaire confronté à l'abîme liquide (cf. « L'homme et la mer », Les Fleurs du mal, XIV). Chez Boise, pareillement, l'homme et la mer sont aussi jaloux l'un que l'autre de garder leurs secrets.
À commencer par les lieux qui ne sont pas nommés – à quoi bon courir le risque de s'y enraciner ? Le poète nous confie : « Je ne sais rien de cet ici. » L'« ici » en question prend valeur universelle, terrestre, par opposition au ciel et à la nuit, sources de renaissance (« Néanmoins le ciel est propre, comme recommencé. ») ou de terreurs archaïques (la nuit est le domaine des peurs, de l'amour, ou même des morts). Les lieux rendent compte d'un passage, lequel prélude à l'effacement universel rythmé par le flux/reflux des vagues.
L'écoulement du temps est trahi par le « bruit que font les feuilles sèches dans le brun des rabines ». Il marque « la vie qui s'échappe. » L'horizon est porteur de questionnement : « Où se pose le reflet du présent ? » Le temps lui-même est mort. Décidément, le diable est dans les détails...
Le poète, veilleur de nuit, se fait témoin de la mort à l’œuvre : « odeurs d'humus , de mousses ; de pourritures. », « Odeurs de vase, la mort compose. » Il assiste au spectacle offert par la nature : « Souvent la mer. La danse. Le mélange des bleus. Rien d'autre que ce mouvement et moi, immobile, à le suivre des yeux. » Il devient « le passant » confronté au tragique : « Regarder n'est plus acte anodin quand le ciel tremble et s'inverse. » Il en va de même des apparences. Ce qui paraît anodin prend alors valeur essentielle : ainsi, faire le tour de l'île c'est « Revenir sur soi-même sans le savoir vraiment, semblant d'inadvertance. » Aussi bien, l'île se métamorphose-t-elle en l' « il ». Procédé inverse de l'humanisation du réel en texte : réel décomposé par un « je » (celui du poète) devenu étranger à soi-même...
Le voyage comme expérience littéraire consiste, pour Boise, à « revenir d'enfance comme on revient d'ailleurs. » C'est un prétexte pour interroger sa présence au monde. Ainsi, un « Silex noir veiné de blanc. » devient-il objet de méditation. Ce caillou ne livre rien de ce qu'il contient de ses secrets « à l'exception de cette blanche blessure qui [lui] dit soudain la dureté d'être au monde. » Retour aux Fleurs. Travail de l'intertexte. D'ailleurs, Boise lit « Baudelaire alors que les albatros ont presque disparu. » Gageons que les poètes ne tarderont pas à suivre le même chemin d'écume. Sombre prédiction qui rend le voyage d'autant plus urgent que nécessaire. S'embarquer, soit ! Mais gare aux naufrages !
Boise chante le désespoir de l'homme dressé, seul, face à l'océan, qui guette « une fêlure qui [lui] donnerait à voir l'intérieur du ciel, son reflet sur les vagues. » Vainement : « Pourtant je suis seul avec l'horizon. » La seule rencontre évoquée dans ce recueil a lieu dans un café de Kholmogory : « Je l'écoute, pense à Cendrars. » Unique trace de sociabilité dans ce recueil qui souligne l'impuissance du langage – fût-il poétique – à dire pour partager l'expérience des hommes dans un monde où tout chavire, où les « histoires qu'on se raconte pour effrayer nos peurs » marquent la limite de tout échange. Car que dire de ce monde où tout craque, si ce n'est que le bruit annonce une fin : « Le petit jour et la dernière phrase, nous diront, seuls, l'état du monde ».
Que peut le poème ? Peu. Reste l'infini (retrouvé?). Il fascine, inquiète, terrifie, mais parvient à restituer la beauté d'un indicible qui réside dans le pacte poétique.
Les dessins de Claude Jacquesson prolongent le trait de côte célébré par le poète. Ils empruntent à ces bois (flottés?) des éditions de jadis qui savaient rythmer une lecture. Ils montrent que le grand corps mouvant de l'océan peut aussi mimer le corps figé du poète dans sa contemplation inquiète du monde.
michel lamart
Les lecteurs parlent de Boise
Cher Monsieur,
J’ai bien reçu votre livre de Jacques Boise « Vers l’outre mer » avec la préface de notre ami Gabriel.
J’ai infiniment aimé ce texte et les dessins qui l’illustrent, dans une belle correspondance.
Il y a du silence, des profondeurs, des histoires que l’on a envie de partager.
Que cela fait du bien dans cette période où nous avons besoin de lumières et de sens!
LE TIRE-LANGUE présente Johannes Kühn/ La Mine!
La collection "Le Tire-Langue" a pour vocation de proposer à la lecture, des ouvrages de poésie contemporaine en version bilingue. Les titres précédemment parus, sont "Le pays perdu de ma naissance" du poète kosovar de langue albanaise Ali Podrimja, "Août 36 Dernier mois dans le ventre de ma mère" du poète turc Özdemir Ince, "La Ronde des Rêves" de la poétesse italienne Chiara de Luca, "Voix Liminales" de la poétesse Franco-américaine Françoise Canter, "Pour un éloge de l'Impossible" du poète castillan Miguel Casado, "Maine" du poète Robert Nash et "La musique me revient par vagues" de la poétesse américaine Anne Sexton
Du même auteur dans la même collection est paru en 2020 : "Mes Humeurs Vagabondes"
Johannes Kühn, La Mine ! À L’INDEX, Collection « Le Tire-langue », 2020, 100 p., 17 €
Johannes Kühn est né en 1934 à Bergweiler, dans une famille de mineurs de la Sarre laquelle, deux ans plus tard, s’est établie dans le village d’Hasborn, situé à proximité, où le poète vit toujours. Et ce serait à peu près tout pour la biographie, hormis qu’il est l’un des poètes les plus reconnus d’Allemagne, où il a reçu les très prestigieux prix Lenz (en 2000) et Hölderlin (en 2004), que certains de ses poèmes ont été publiés sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre dans « l’Anthologie bilingue de la poésie allemande. De Dietmar von Aist à Johannes Kühn » dans la » Bibliothèque de La Pléiade », et qu’il a réuni une partie importante de ses poèmes en dialecte Hasborn dans un volume intitulé Em Guguck lauschdre, en 1999. En France, trois livres de poèmes de Johannes Kühn ont déjà été traduits par Joël Vincent, qui est aussi le traducteur des deux nouveaux recueils publiés par Jean-Claude Tardif. Poète et éditeur, Jean-Claude Tardif dirige la revue « À l’Index » depuis les années 2000 (41 numéros parus), ainsi qu’une collection « Le tire-langue » qui publie des ouvrages de poésie en bilingue (Robert Nash, Anne Sexton, et Johannes Kühn). Mes humeurs vagabondes est un choix de poèmes réalisé par le traducteur à partir de l’édition allemande, auquel se rajoutent les trois poèmes offerts à celui-ci par Johannes Kühn lors d’une visite dans la Sarre en mai 2019. Le livre est précédé d’une préface de Irmgard et Benno Rech, un couple d’amis qui accompagne Johannes Kühn depuis des années (depuis la troisième année de lycée en ce qui concerne Benno Rech), et qui a édité la plupart des livres de Johannes Kühn. Il n’y a pas un poème qui ne soit rapporté de ses marches dans la campagne autour du « Schaumberg », point culminant de la Sarre à 570 mètres de hauteur, surplombé d’une tour qui par temps clair permet d’entrevoir une partie des Vosges. Au rythme des heures du jour et au fil des saisons, apparaissent tantôt un village, Hasborn ou Bergweiler, tantôt un arbre du parc ou » l’amitié d’un hêtre » ; ici un geai, un hérisson, un écureuil, là des artisans, un fumeur de cigare, un cheval de bois, lesquels mis bout à bout, comme un haïku dont le sens souvent ne se révèle que par sa proximité avec un récit de voyage (Bashô) ou dans une anthologie avec d’autres haïkus (l’extase du papillon, l’extase du thé…), recréent un paysage imaginaire de la Sarre. Si le poète aime à vagabonder dans la campagne, ses humeurs aussi proviennent de ce que la nature lui donne : consolation, réconfort, confiance, tout ce qu’il voit dans la nature lui transmet bonheur et joie, parfois nostalgie et tristesse. Toutefois, il faut savoir que cette disposition est réservée à celui qui ne possède rien et qui habite seul en vagabond dans la nature. Aussi n’est-il pas étrange que Johannes Kühn fasse souvent référence au poète allemand Hölderlin (1770-1843), lorsque celui-ci écrivait que : « Riche en mérites, mais poétiquement toujours, / Sur terre habite l’homme. » Même si la nature que décrit Johannes Kühn est un paysage imaginaire, car non seulement la nature n’a jamais existé à l’état idyllique, mais elle est en voie de disparaître de partout, le lecteur d’aujourd’hui peut reconnaître dans ses poèmes une certaine nature « habitée poétiquement » par l’homme. Le second livre de Johannes Kühn traduit par Joël Vincent et intitulé La Mine ! est également constitué par un choix de poèmes, mais qui contraste fortement avec le premier, car il ne s’agit plus de marches vagabondes dans la campagne, mais de la geste et du travail des mineurs dans les puits de charbon. Rappelons que le bassin de la Sarre était une région de production minière et industrielle, et que le traité de paix signé à Versailles le 28 juin 1919 prévoyait que celle-ci devait contribuer au paiement des réparations en nature dues par l'Allemagne à la France. Le Bassin de la Sarre, bien que relevant toujours juridiquement de la souveraineté allemande, fut placé entre 1920 et 1935 sous le mandat de la Société des Nations, et son administration fut confiée à la France. C'est seulement par les Accords de Luxembourg, signés le 27 octobre 1956, que le rattachement politique de la Sarre à l'Allemagne de l'Ouest fut entériné, permettant ainsi de mettre fin à un vieux contentieux au sein des relations franco-allemandes. Cette dimension historique n’est pas véritablement incarnée dans le recueil de Johannes Kühn, mais elle explique les conditions et les réalités de vie des habitants de la Sarre que le poète a perçues et transcrites dans le réalisme de sa poésie. Ainsi porte-t-il une attention particulière aux outils : « La Pelle » ou « Le Burin » du mineur. Il décrit comme un progrès l’invention de « La Machine à découper », et vante « Le Rouleau compresseur », grâce auquel « nos routes ressemblent à des surfaces vitrées. / Et j’en suis fier », ajoute-t-il. Surtout il se montre sensible aux conditions de travail, celles des femmes qui portaient les seaux de charbon et se chargeaient du travail des champs : « Mère avait le travail posté le plus long de nous tous » (en plus d’avoir accouché de huit enfants dont Johannes était l’aîné). Il faut comprendre ce qu’était le « travail posté » et le taux d’emploi élevé des femmes et des jeunes enfants dans les mines. Quelle que soit la solidarité, ou la nostalgie, que Johannes Kühn entretient avec l’ancien monde des mineurs, il se réjouit de sa disparition progressive : « Il y a encore des mineurs, mais peu / qui descendent dans les galeries toutes noires de la mine. » La fin du charbon signifie la fin d’un certain monde, mais aussi le début d’un autre monde où le paysage imaginaire de Johannes Kühn, avec le vent, la nature et les arbres, prend tout son éclat.
sur le site Sitaudi par Gilles Jallet
Collection Les Plaquettes "Entrées Maritimes" de Werner Lambersy
Voici le vingtième-deuxième titre de la Collection "Les Plaquettes"
Werner Lambersy est un poète prolifique
qui n’hésite pas à brouiller les pistes d’écriture et, forcément, celles de la
lecture. Son talent n’est plus à prouver et c’est en éternel adolescent
insoumis qu’il avance ses poèmes sur l’échiquier de ce qui s’écrit en 2020. Après avoir publié 11 livres dans la seule
année 2019, il n’est pas à la recherche d’une quelconque performance. Ses
« productions poétiques » très variées n’en souffrent nullement. Le
goût du vertigineux rend familière chez lui la fréquentation des phénomènes
astronomiques : étoiles, comètes, arcs-en-ciel et galaxies. « Dans la
veste usée du quotidien », Lambersy se reconnaît à la fois solide et
fragile. Il écrit : « Je suis né poète / Pour dire des choses
secrètes / Que personne pas même moi / N’écoute chanter ». Il sait bâtir
des ponts entre le vide et le plein « car nous sommes poème et
néant ». Werner Lambersy a su faire obstacle à ces redoutables entrées
maritimes qui auraient pu le faire couler à chaque instant de sa riche
existence. Il revient de loin, de très loin mais il est sain et sauf. Oui, par
la grâce des mots, il est sauvé car « l’homme est la plus pauvre des
merveilles ».
dimanche 9 août 2020
A L'INDEX N°41
Vous qui avez l'amabilité de vous rendre sur ce site, prenez le temps de lire ces lignes pour mieux nous connaître et comprendre pourquoi votre soutien nous est premier - Merci à vous !
A L'index est avant toutes choses une revue dont le premier numéro est paru en 1999. Dans un premier temps, "prolongement papier" des Rencontres du "Livre à Dire (1997/2012), elle poursuit, aujourd'hui encore son chemin, se voulant avant tout un espace d'écrits. Au fil des numéros, elle a vu son format, sa couverture, se modifier. Pour se présenter aujourd'hui et depuis sa 20iéme livraison sous un format plus réduit (A5) et une couverture "fixe" avec comme identité visuelle la vignette créée pour la revue par l'ami Yves Barbier.
Les vingt premiers numéros ont été imprimés par l'Imprimerie Spéciale du Soleil Natal dirigée par le poète-éditeur Michel Héroult. La mort subite et prématurée de ce dernier, en septembre, 2012 a laissé la revue orpheline et désemparée. Le tirage du numéro 20 n'ayant été livré que pour moitié, il était impératif de trouver un nouvel imprimeur. La question se posa néanmoins de la cessation de parution.
2017 verra la sortie du premier titres de la collection : "Plaquettes" qui comme son nom l'indique se présentera de petits ensembles de poèmes ou de proses à un prix modique : 7€ port compris. Avec l'espoir de donner envie de lire des auteurs contemporains.
Nikos Belias - Jean Bensimon - Quentin Blasquez – Éric Bouchéty - Lionel Bourg - Carino Bucciarelli - Henri Cachau – Françoise Canter - Jean Chatard - Tomasz Cichawa – Sébastien Coccoz - Georges Friedenkraft - Peter Gizzi - Éric Jaumier – Christian Jordy - Jacques Josse – Anna Jouy -Yves Noël Labbé - Michel Lamart – Volker Maassen - Jacques Nuñez-Teodoro - Béatrice Pailler – Maria Ralaizanaka - Morgan Riet - Roberto San Geroteo - Marie-Claude San Juan - Jean-Philippe Sedikhi - Line Szöllösi - Lucien Suel - Jean-Claude Tardif – Claude Vancour
Illustrations
Claude Jacquesson – Peter Neu
Traductions
Françoise Canter - Vladimir Claude Fišera Joël Vincent- Alexandre Zotos
I.S.S.N. : 1620-3887
18 €
Dessin de Peter Neu 1
Poésie américaine d'aujourd'hui : Peter Gizzi
traduit et présenté de l'anglais (USA) par Vladimir Claude Fišera
La ronde de nuit de Rembrandt (texte) de Michel Lamart
Mon fils & autres poèmes de Carino Bucciarelli
Je suis seule, mais… suivi de Tanka pour rire de Georges Friedenkraft
JEU DE PAUMES -Petite anthologie portative -
Éric Bouchéty - Sébastien Coccoz - Éric Jaumier- Morgan Riet- Line Szöllösi - Claude Vancour
Dessin de Peter Neu 2
La famille Y (nouvelle) de Christian Jordy
L'oubli fait loi (inédit) de Jean-Chatard
Glanes, de terre -extraits- de Anna Jouy
Dessin de Peter Neu 3
The Buffalo and the Black Bird (poème) de Françoise Canter
traduit par l'auteure
Notes d'ici & là de Maria Ralaizanaka
Parole donnée à :Tomasz Cichawa
Rencontre de nuit (nouvelle) de Jean-Claude Tardif
Elle, d’elles, non obscures et autres poèmes de Marie-Claude San Juan
D’un passé lointain (nouvelle) de Jean Bensimon
Lignes – souvenir d'atelier – (poème) de Béatrice Pailler suivi de
Acrylique de Claude Jacquesson
À venir (nouvelle)
Venise en vers arihmogrammatiques (poème) de Lucien Suel
Des îles, rien que des îles (fragments) de Lionel Bourg
Miracle & autres poèmes de Nikos Bélias
traduit du grec par Alexandre Zotos
Le retour d’Inti (nouvelle) de Yves Noël Labbé
Dessin Peter Neu 4
Résistance (poème) de Roberto San Geroteo
Souvenirs d'Hiver & autres proses de Quentin Blasquez
Fatrasies -extraits- par Henri Cachau
Nouveau Départ (nouvelle) de Jean-Philippe Sedikhi
Le Jour d'après (poème) de Jacques Nuñez-Teodoro
Deux poèmes (inédits en français) de Volker Maassen
traduit de l'allemand par Joël Vincent
Dessin Peter Neu 5
À Ostende suivi de Klaus Kinsky (proses) de Jacques Josse
Dessin de Peter Neu 5
Montrés du Doigt par Arnaud Forgeron - André Prodhimme
De l’éditorial de Jean-Claude Tardif je retiens notamment la distinction qu’il fait entre les auteurs qui ne sont attentifs qu’à leurs publications, ne montrant pas d’intérêt pour les autres, pas vraiment lecteurs, et ceux qui lisent, curieux d’autrui. Cela rejoint le malaise que je ressens devant des conduites d’autopromotion exclusive.
mardi 14 juillet 2020
Collection "Les Plaquettes" : "Cargo" de Patricia Castex Menier
LE TIRE-LANGUE présente Robert NASH/ "Poèmes à un ami français"
Robert Nash naît en 1930 à Eastbourne. Petite station balnéaire du Sussex, non loin du cap Béveziers. Peut-être y a-t-il croisé, enfant, le roi Georges V et la reine Mary ou Claude Debussy qui disait de cette station en vogue des bords de Manche, que c'était un lieu « où la mer s'exhibe avec une correction purement britannique ». À la fin des années 30 ses parents émigrent vers les États-Unis. Il se marie en 51 avec Catriona Macfarlane. Ils auront un fils mort au Vietnam en 1974. Catriona mourra deux ans plus tard. C'est peu de temps après que Robert Nash s'installera dans sa petite maison du Maine. Il disparaît en 95, alors qu'il était parti en randonnée. Malgré les recherches son corps ne sera jamais retrouvé.
Du même auteur, dans cette même collection est paru en 2018 : "Maine"
Robert Nash
Poèmes
à un ami français
Éditions de la revue À l’Index, 2020, 105 pages.
Curieuse aventure en vérité que celle de
ce manuscrit. L’éditeur, Jean-Claude Tardif, lui-même poète, alors qu’il
soulève le couvercle d’une malle, découvre des poèmes-lettres adressés à son
père. L’auteur : un certain Robert Nash, Anglais devenu Américain. Tout à
la surprise de plonger dans l’échange occasionné par une amitié dont il
ignorait tout, il se surprend à déchiffrer l’anglais de vieux feuillets, tantôt
peu lisible, tantôt totalement ruiné par le temps et l’humidité et à aller
jusqu’à concevoir une édition. Ainsi, quarante ans après avoir été écrites,
voici que nous accédons à quelques pages sauvées de l’oubli. La voix de Robert
Nash, toute en clarté et sobriété, nous invite, en dévoilant quelques parts
intimes d’une destinée, à pénétrer dans la dernière phase d’une vie faite de
solitude voulue et acceptée. Nous allons donc, au fil des poèmes, nous
rapprocher des souvenirs de la femme aimée, disparue deux années après la perte
du fils, mort en 1974 au Vietnam. Nous ne trouvons là aucun dolorisme, mais une
déchirante méditation sur le repli d’un homme qui trouve dans la présence d’un
blaireau la seule et suffisante compagnie. Un sac à dos / rien d’autre pour
une vie / peu de souvenirs d’enfance / une plage peut-être sur la côte anglaise
/ un père, une mère / qui présage ce que vous serez. Que valent donc nos
destinées ? sinon d’accéder à l’oubli de sa propre personne. L’auteur
évoque largement des faits anodins, le cri d’un balbuzard, le vent dans les
arbres, sans jamais relâcher sa pensée unique : l’effacement. Et comme si
l’écriture était dictée par une loi interdisant tout hasard, nous apprenons en
fin de volume que Robert Nash a disparu en 1995 ; il ne rentra jamais
d’une randonnée et son corps ne fut pas retrouvé. Saluons aussi le travail de
la traductrice, Françoise Besnard-Canter. Si elle suit quand cela est permis le
texte au plus près, elle sait que le passage au français nécessite souvent un
déploiement des vers dont l’original en anglais, langue de l’ellipse par
excellence, peut se passer. N’y voyons là aucune trahison, mais au contraire la
volonté de se rapprocher, au risque parfois de l’ajout d’une idée, de la pensée
intime de l’auteur.
CARINO BUCCIARELLI
II
Dylan ne l’a pas lu, ni Sylvia Plath. Pas plus que Berrigan – à ne pas confondre avec Brautigan, qui ne l’a pas connu, non plus – et Bukowski pas davantage qui pensait (comme Ferré me le répétait, aussi), que tous les poètes vivants – sauf lui – étaient nuls. Non avenus.
Dylan, de même prénom, ne l’a pas vu errer dans le Maine, entre 1976 et 1995, État où il a survécu, en triste état, après tant de deuils et douleurs, en proie au doute. Berrigan aurait aimé, j’en suis certain, croiser cet homme-là, meurtri sincèrement, irrémédiablement meurtri, mais qui se tint debout, sur le fil de la canne-épée de la poésie. Oui, Nash (son nom… de ville !) se tient debout, à le lire, et la poésie, avec lui, tient la route, à bout de bras, sans apprêt ni fla-fla. C’est en cela qu’il est proche de Brautigan, toujours à hauteur d’humaine humilité, mais, à l’inverse de Richard (… tu m’entends ?), il ne se suicida, Nash. Robert avait mieux à faire : il correspondit, par exemple, des décennies avec le père de Jean-Claude, et celui-ci ne retrouva ces lettres que par hasard, d’autres décennies plus tard.
Comment Dylan,
nobélisé de frais, pourrait avoir entendu parler d’un poète jamais
publié ? Et comment
diable Berrigan, je veux écrire Brautigan, aurait pu lire Robert Nash ?
Même Ferlinghetti – toujours en vie, à 101 ans – dernier acteur-témoin de la
mythique Beat Generation – ne lira sans doute jamais cet homme qui
partit seul en randonnée, en 1995, et dont le corps, à l’instar d’un Arthur
Cravan,
ne fut jamais retrouvé. Bukowski en a la chique coupée ; voire coupe-rosée ! Un poète authentique, bien que (ou parce que) jamais imprimé de son vivant… J’entends, d’ici, Emily Dickinson rigoler : « – Vous voyez bien que ce qui compte, c’est être, bien plus que paraître. Puisqu’on finit, tous, par disparaître. » Et Patti Smith, marraine des punks, renchérit : « – No future ! »
Nash, contre
toute attente, est accessible grâce à Françoise Besnard-Canter,
poète-traductrice, et à Jean-Claude Tardif,
revuiste-éditeur, en deux tomes de lettres-poèmes posthumes :
« Maine », revue À l’Index, collection Le Tire-langue, 2018 et
« Poèmes à un ami français », ibid, 2020. Un troisième tome est
bouclé. Ne reste plus aux lecteurs qu’à se précipiter… Qu’en eût dit
Cummings ? « The answer, my friend, is blowing in the
wind... » et de Bob Dylan à Bob Nash, ce n’est pas un bobard !
Jean-Marc Couvé, à Dieppe, 17-19/08/2020
Jean-Marc Couvé (1957),
auteur-compositeur-interprète, traducteur, illustrateur, citoyen du Monde